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ZE LORD OF THE RING

ZE LORD OF THE RING
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7 avril 2013

L'EXORCISTE CHINOIS

Titre
RÉALISÉ PAR ... SAMMO HUNG.
PRODUIT PAR ... RAYMOND CHOW.
ÉCRIT PAR ... SAMMO HUNG & HUANG YING.

LORSQUE CHEUNG LE BRAVE APPREND QUE SA FEMME LE TROMPE, IL DEVIENT OBSÉDÉ PAR L'IDÉE DE TROUVER AVEC QUI ELLE LE COCUFIE. CE DERNIER, QUI N'EST AUTRE QUE LE PATRON DE CHEUNG, LE CRAINT, ET DÉCIDE D'EMPLOYER UN "FATSI", UN EXORCISTE, POUR L'ÉLIMINER.


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Qui ne connait pas Sammo Hung? Encore aujourd'hui, il est une des figures les plus iconiques et les plus représentatives du cinéma hong-kongais. Acteur de grand talent, cascadeur et artiste martial aux capacités aussi incroyables que déconcertantes, personnage charismatique et singulièrement attachant, c'est un homme dont le talent à rayonné à travers le monde, notamment grâce à ses collaborations avec le tout aussi célèbre Jackie Chan... On pense notamment aux mythiques LE MARIN DES MERS DE CHINE 1 & 2, ou encore à DRAGONS FOREVER, tous trois des films renommés et cultes à travers le monde, et dont le rayonnement, encore aujourd'hui, illumine le cinéma. Une chose est sure : toute la troupe à Sammo Hung, Jackie Chan, Yuen Biao, Ricky Lau... ont indéniablement laissé une empreinte bien singulière sur le cinéma contemporain, et dans l'histoire du cinéma hong-kongais, ils sont aussi importants que les artistes de la colonie britannique les plus reconnus, comme les inévitables John Woo et Tsui Hark. Pourtant, malgré cette célébrité, on tend très souvent à oublier que si Sammo est un grand acteur, cascadeur et artiste martial, il est aussi et surtout un grand réalisateur, dont le talent technique et visuel n'a rien à envier à celui d'un Jackie Chan, dont la folie narrative égale largement celle d'un Tsui Hark et dont le talent comique est absolument incroyable. Lorsqu'en 1977, il réalise LE MOINE D'ACIER, son premier film, il aide à fonder un genre hong-kongais très important : la Kung-Fu Comedy. Après diverses expérimentations autour du genre, Sammo se décide, en 1980, à passer à la vitesse supérieure avec L'EXORCISTE CHINOIS.

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Film fondateur de la Ghost Kung-Fu Comedy, le genre deviendra à Hong Kong très vite extrêmement populaire, notamment grâce à la saga culte des MISTER VAMPIRE, réalisé par Ricky Lau et, sans surprises, produite de bout en bout par le grand Sammo Hung. Si le succès et la popularité du genre est indéniable à Hong Kong, celui-ci ne vivra pas longtemps, puisque L'EXORCISTE CHINOIS 2, réalisé par Ricky Lau en 1990, mettra fin brutalement au rayonnement aussi vif que bref et complètement inattendu du genre. Peu importe finalement, puisqu'au-delà de son succès commercial, L'EXORCISTE CHINOIS est avant tout un succès artistique en tous points indéniable... Petit rappel : en 1979, Tsui Hark lance la nouvelle vague hong-kongaise avec le magnifique THE BUTTERFLY MURDERS. Les ambitions du mouvement sont très simples : révolutionner le cinéma hong-kongais, y apporter du neuf et ressusciter des genres depuis longtemps essoufflés par une industrie cinématographique trop rigide. Si L'EXORCISTE CHINOIS ne fait pas à proprement parler partie du mouvement, c'est bien étonnant, puisque leurs démarches se rejoignent complètement : Sammo, en créant à partir de rien un genre authentiquement nouveau, livre une oeuvre originale, innovante et unique dans lesquels s'oeuvre un dynamitage en règle de tous les codes cinématographiques imaginables. Les règles établies, L'EXORCISTE CHINOIS les bouleverse complètement et avec une telle audace qu'il apparait immédiatement comme une oeuvre absolument unique, qui ne ressemble à aucune autre et qui révolutionne en profondeur la place et l'usage du fantastique et de l'irréél dans le cinéma hong-kongais, jusqu'alors peu exploité, le public hong-kongais étant à l'époque aussi conservateur que superstitieux... C'est donc une chose étrange que le succès éclair de L'EXORCISTE CHINOIS, qui est d'autant plus étrange que le film est maintenant presque complètement oublié, et pourtant... Quel chef d'oeuvre.

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Autant être clair d'entrée de jeu : L'EXORCISTE CHINOIS est un grand film qui regorge de qualités diverses, à commencer, justement, par la manière dont il détourne et bouscule les codes établis du cinéma pour acquérir sa propre identité cinématographique... Outre la folie totale du mélange entre la comédie, le fantastique, et le film de kung-fu, le parti pris par Sammo Hung est d'autant plus intéréssant et fascinant qu'il parvient réellement à donner forme à son film de sorte à ce que les genres cohabitent sans jamais se heurter, et sans jamais causer des problèmes de cohérence narratives ou visuelles... En ce sens, L'EXORCISTE CHINOIS préfigure largement le chef d'oeuvre absolu du maître, le magnifique PEDICAB DRIVER, puisqu'il se montre facilement capable de passer d'un genre à un autre, d'une tonalité dramatique à un ton plus comique en l'espace d'un plan ou deux sans jamais entacher la cohérence du film... Un prodige quand on sait que même les plus grands se sont heurtés parfois à la difficulté de mélanger les genres et de jouer avec les codes. Il parait évident à la vision du film que plutôt que d'essayer d'adapter son sujet à son dynamitage des codes, Sammo dynamite les codes uniquement parce que son sujet le lui permet. Ainsi, à plusieurs reprises, L'EXORCISTE CHINOIS enchaine une scène tétanisante et effrayante avec une scène hilarante, burlesque et cocasse, et y mêle parfois même du kung-fu et de l'action... Mais à la différence de beaucoup, Sammo sait sur quel pied danser, et son film devient donc très vite une mine de sensations pour son spectateur qui est, par contre, complètement déconcerté par le spectacle inoui et unique qui se développe sous ses yeux. Sa maîtrise des codes ne serait toutefois rien si Sammo n'avait pas de quoi suivre derrière, et s'il fait preuve d'une capacité incroyable pour détourner et s'affranchir des règles du cinéma, il se montre également capable d'appliquer sa maîtrise de ces dernières... L'intérêt ici est donc moins le fait que Sammo parvienne à enchainer une scène d'horreur avec une scène burlesque, mais plutôt qu'il arrive à faire marcher l'ensemble sans que la scène burlesque ne prenne le pas sur la tension nerveuse de la précédente ou inversement. Un peu comme Tsui Hark, me direz-vous?

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Certes, sauf que même Tsui Hark n'a réussi que rarement à atteindre une alchimie aussi parfaite entre les genres et les registres que Sammo Hung avec son PEDICAB DRIVER ou L'EXORCISTE CHINOIS, et en l'occurence, la formule marche d'autant plus que ce dernier brise constamment les attentes du spectateur... Ainsi, si L'EXORCISTE CHINOIS est bel et bien un film de kung-fu, celui-ci n'arrive véritablement qu'assez tard dans l'intrigue, qui laisse davantage de place au fantastique et au burlesque des situations présentées par la narration qu'aux combats spectaculaires qu'on a l'habitude de voir chez un artiste comme Sammo Hung. Pari risqué, puisque procéder ainsi, c'est prendre le risque de larguer la moitié du public, et s'il y a toujours quelques exceptions, force est de constater que c'était un risque qui valait le coup d'être pris, puisque cela permet au film de pousser encore plus loin son délire narratif novateur et foutraque. Le résultat, c'est que lorsque les combats auxquels on s'attend face à un tel film arrivent enfin au sein de l'intrigue, la surprise est de taille puisqu'ils ne ressemblent à rien à ce qui a été fait avant (ou après, à part L'EXORCISTE CHINOIS 2, bien évidemment). Sans trop en dire, les combats ont constamment lieu sur plusieurs dimensions différentes, et Sammo promène pendant ses bastons virtuoses le spectateur dans des espaces et des situations aussi diverses que multiples... Le tout, au fur et à mesure que le film avance, devient inévitablement de plus en plus foutraque, de plus en plus inventif et de plus en plus fou, mais chaque combat, chaque situation reste d'une lisibilité et d'une limpidité incroyable. Le mérite de cela revient indéniablement à la mise en scène de Sammo Hung, qui trouve ici des aboutissements absolument incroyables et renvoie aux plus grands : longues prises, gestions de l'espace complètement virtuose, et esthétique naturaliste sublime constituent la mise en forme de L'EXORCISTE CHINOIS... Cela paraîtra surprenant à bien des gens, mais oui, Sammo Hung, tout comme son ami Jackie Chan, est bel et bien un grand metteur en scène, et L'EXORCISTE CHINOIS en est la preuve absolue et indéniable.

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Il n'y a qu'a voir les quelques scènes d'action du film pour s'en convaincre : celles-ci sont chorégraphiées de manière complexe et l'action est rendue d'autant plus difficile à capturer qu'elle se passe toujours sur au moins deux dimensions spatiales complètement différentes et distinctes, mais Sammo Hung, grâce à sa caméra, la rend toujours lisible. Mieux encore : il la transcende et la magnifie... Chaque coup, chaque sort du "fatsi" est rendu encore plus brutal par la mise en scène de Sammo, et leurs impacts sur le spectateur s'en voient multipliés... Mais si la mise en scène est excellente, les chorégraphies, elles, sont à tomber par terre, et certaines des scènes d'action de L'EXORCISTE CHINOIS figurent parmi les mieux chorégraphiées du cinéma hong-kongais... Inventives, celles-ci sont puissamment rythmées et font preuve d'une folie visuelle constante. A travers celles-ci, Sammo Hung fait preuve et étalage de ses talents martiaux avec brio, et comme si cela ne suffisait pas, il livre également ici une grande performance d'acteur, composant avec consistance et intensité son personnage, donnant du rythme et de l'impact aux scènes les plus humouristiques du film et servant constamment, par son charisme polyvalent, la tonalité complètement lunatique du film. Les autres acteurs ne sont néanmoins pas en reste, et on retrouve ici une figure iconique et inévitable du cinéma hong-kongais. Je parle bien évidemment du grand Lam Ching-Ying, acteur décédé trop tôt, mais qui livra de grandes performances dans plusieurs films majeurs de la colonie britannique et s'imposa comme un grand acteur très vite... Comme à son habitude, il est, dans L'EXORCISTE CHINOIS, absolument excellent. Derrière ces deux géants, on retrouve toute une galerie de seconds couteaux tous aussi intéréssants les uns que les autres, et au final, la seule ombre au prestigieux tableau de L'EXORCISTE CHINOIS reste ce choix douteux d'avoir piqué quelques morceaux de la bande-son de THE SHINING pour illustrer un film tellement réussi esthétiquement qu'il n'en avait pas forcément besoin.

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Vous m'aurez compris : L'EXORCISTE CHINOIS est un indispensable. Véritable chef d'oeuvre, c'est un film qui bouleverse complètement les règles établies de la production cinématographique hong-kongaise et s'extirpe du format pré-établi par cette dernière au travers d'idées visuelles et narratives dont la folie furieuse n'a d'égal que la virtuosité de leur application. Sammo Hung est un aussi brillant acteur, artiste martial, et cascadeur qu'il est un talentueux scénariste et réalisateur, et par conséquent, au travers de sa mise en scène, il se montre ici capable pendant une heure et demi, de produire une alchimie des genres et des registres parfaite à bien des égards, constamment efficace et cohérente en regard du film... Oeuvre transgressive et subversive, L'EXORCISTE CHINOIS s'impose surtout en tant que divertissement de grande qualité : drôle, généreux, mais aussi effrayant et perturbant, c'est un film complètement lunatique et audacieux qui s'impose dès les premières images comme un très grand film, mais aussi comme une oeuvre d'une importance cruciale. A découvrir d'urgence!

CLIQUEZ ICI POUR ACCÉDER A LA GALERIE COMPLETE DU FILM.

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SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

  • L'EXORCISTE CHINOIS 2 DE RICKY LAU.
  • PEDICAB DRIVER DE SAMMO HUNG.
  • HISTOIRES DE CANNIBALES DE TSUI HARK.
  • THE SWORD DE PATRICK TAM.

-ZE RING-

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6 avril 2013

INDEX DES FILMS CHRONIQUÉS

123
1900
, BERNARDO BERTOLUCCI, 1976.

A
A BITTERSWEET LIFE
, KIM JEE-WOON, 2005.

ANIKI, MON FRERE, TAKESHI KITANO, 2000.

APOCALYPSE NOW, FRANCIS FORD COPPOLA, 1979.

A SCENE AT THE SEA, TAKESHI KITANO, 1991.

RÉÉCRITE! A TOUTE ÉPREUVE, JOHN WOO, 1992 + GALERIE.

B
BAD LIEUTENANT, ABEL FERRARA, 1992.

BEATRICE CENCI - LIENS D'AMOUR ET DE SANG, LUCIO FULCI, 1969.

BRING ME THE HEAD OF ALFREDO GARCIA, SAM PECKINPAH, 1974.

BULLET BALLET, SHINYA TSUKAMOTO, 1997 + GALERIE.

C
CANNIBAL HOLOCAUST
, RUGGERO DEODATO, 1979.

CASINO, MARTIN SCORSESE, 1995.

COMPANEROS, SERGIO CORBUCCI, 1970.

CROSS OF IRON, SAM PECKINPAH, 1977.

D
DARK WATER
, HIDEO NAKATA, 2002.

DEAD MAN'S SHOES, SHANE MEADOWS, 2004.

DIRTY HARRY, DON SIEGEL, 1971.

DOLLS, TAKESHI KITANO, 2002.

E
ENTER THE VOID
, GASPAR NOÉ, 2009.

...ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS, SERGIO LEONE, 1965.

F
FAMILY PORTRAITS, A TRILOGY OF AMERICA
, DOUGLAS BUCK, 2003.

FEMALE YAKUZA TALE, TERUO ISHII, 1973 + GALERIE.

FIGHT CLUB, DAVID FINCHER, 1999.

FULL CONTACT, RINGO LAM, 1993.

G
GRINDHOUSE
, QUENTIN TARANTINO & ROBERT RODRIGUEZ, 2007.

GRIZZLY MAN, WERNER HERZOG, 2005.

H
HANA-BI, TAKESHI KITANO, 1997.

HARRY BROWN, DANIEL BARBER, 2009.

HEAT, MICHAEL MANN, 1995.

HISTOIRES DE CANNIBALES, TSUI HARK, 1980.

I
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L'OUEST
, SERGIO LEONE, 1968.

IL ÉTAIT UNE FOIS LA RÉVOLUTION, SERGIO LEONE, 1971.

IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE, SERGIO LEONE, 1982.

INFERNO, DARIO ARGENTO, 1980.

INGLORIOUS BASTERDS, QUENTIN TARANTINO, 2009.

IRON MONKEY, YUEN WOO-PING, 1993 + GALERIE.

IRRÉVERSIBLE, GASPAR NOÉ, 2002 + ANALYSE.

J
JU-ON
, TAKASHI SHIMIZU, 2002.

K
...

L
LA COLLINE A DES YEUX 2
, MARTIN WEISZ, 2007.

LADY SNOWBLOOD, TOSHIYA FUJITA, 1973 + GALERIE.

LA MONTAGNE SACRÉE, ALEJANDRO JODOROWSKY, 1973.

LA TRILOGIE DE LA VENGEANCE, PARK CHAN-WOOK, 2002-2004.

L'AU-DELA, LUCIO FULCI, 1981.

LE CHOIX DES ARMES, ALAIN CORNEAU, 1980.

L'ÉCHELLE DE JACOB, ADRIAN LYNE, 1990.

L'ENFER DES ARMES, TSUI HARK, 1980 + GALERIE.

L'EXORCISTE CHINOIS, SAMMO HUNG, 1980 + GALERIE.

LES FRISSONS DE L'ANGOISSE, DARIO ARGENTO, 1975.

LE SYNDICAT DU CRIME 1, 2 & 3, JOHN WOO & TSUI HARK, 1986-1989.

L'ÉVENTREUR DE NEW YORK, LUCIO FULCI, 1982.

M
MEAN STREETS
, MARTIN SCORSESE, 1973.

N
...

O
...

P
PEKING OPERA BLUES
, TSUI HARK, 1986 + GALERIE.

PLAN 9 FROM OUTER SPACE, ED WOOD, 1959.

POSSESSION, ANDRZEJ ZULAWSKI, 1981.

POUR UNE POIGNÉE DE DOLLARS, SERGIO LEONE, 1964.

Q
...

R
REC, JAUME BALAGUERO & PACO PLAZA, 2007.

RESERVOIR DOGS, QUENTIN TARANTINO, 1992.

RING, HIDEO NAKATA, 1998.

ROBOCOP, PAUL VERHOEVEN, 1987.

S
SCHINDLER'S LIST
, STEVEN SPIELBERG, 1993.

SEUL CONTRE TOUS, GASPAR NOÉ, 1998.

SEX AND FURY, NORIFUMI SUZUKI, 1973 + GALERIE.

SHANGHAI BLUES, TSUI HARK, 1984 + GALERIE.

SPL, WILSON YIP, 2005.

STRAW DOGS, SAM PECKINPAH, 1971.

SUSPIRIA, DARIO ARGENTO, 1977 + GALERIE.

SWORDSMAN, CHING SIU-TUNG, TSUI HARK, KING HU, RAYMOND LEE, ANDREW KAM, ANN HUI, 1990 + GALERIE.

SWORDSMAN II, CHING SIU-TUNG, 1992 + GALERIE.

T
TAXI DRIVER
, MARTIN SCORSESE, 1976.

TETSUO, SHINYA TSUKAMOTO, 1989 + GALERIE.

THE BLADE
, TSUI HARK, 1995 + GALERIE.

THE BUTTERFLY MURDERS, TSUI HARK, 1979.

THE GREAT DICTATOR
, CHARLIE CHAPLIN, 1940.

THE GREY, JOE CARNAHAN, 2012.

THE KILLER, JOHN WOO, 1989 + GALERIE.

THE KING OF NEW YORK, ABEL FERRARA, 1990.

THE LOVERS, TSUI HARK, 1994 + GALERIE.

THE WILD BUNCH, SAM PECKINPAH, 1969.

TIME AND TIDE, TSUI HARK, 2000 + GALERIE.

TURKISH STAR WARS, CETIN INANC, 1982.

U
RÉÉCRITE!
UNE BALLE DANS LA TÊTE
, JOHN WOO, 1990 + GALERIE.

UNSTOPPABLE, TONY SCOTT, 2010.

V
VIOLENT COP, TAKESHI KITANO, 1989.

W
...

X
...

Y
...

Z
ZOMBI 2
, LUCIO FULCI, 1979.

autres
MA VIDÉOTHEQUE

3 avril 2013

IRON MONKEY

titre
RÉALISÉ PAR ... YUEN WOO-PING.
PRODUIT PAR ... TSUI HARK.
ÉCRIT PAR ... TSUI HARK, ELSA TANG, TAI-MUK LAU, ET TAN CHEUNG.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR ... WAI WAP LU ET JOHNNY NJO, CHOW GAM-WING.

DANS UNE PROVINCE CHINOISE DÉVASTÉE PAR LES INONDATIONS, LA FAMINE ET LA PAUVRETÉ, UN VOLEUR NOMMÉ IRON MONKEY SÉVIT ET VOLE AUX MANDARINS CUPIDES POUR DONNER AUX PAUVRES. UN DE CES MANDARINS, EFFRAYÉ DE PERDRE SON POSTE A L'IDÉE QUE LE LÉGAT IMPÉRIAL DÉCOUVRE L'EXISTENCE D'IRON MONKEY AVANT QUE CELUI-CI NE SOIT ARRÊTÉ, FORCE WONG KEI-YING, UN ARTISTE MARTIAL RÉPUTÉ, A ARRÊTER LUI-MÊME IRON MONKEY. POUR CELA, IL EMPRISONNE SON FILS : WONG FEI-HUNG.


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Wong Fei-Hung a quasiment toujours été le personnage cinématographique le plus important du cinéma hong-kongais. Petite leçon d'histoire : Wong Fei-Hung était un artiste martial et un médecin extrêmement réputé, qui aurait, selon certains mythes et légendes, combattu l'armée japonaise pendant l'invasion de Taïwan de 1895. Il est très rapidement devenu le personnage le plus populaire de toute la culture cinématographique hong-kongaise, grâce, notamment, aux succès monstrueux des 89 films dont il est le personnage principal. Pour la culture générale, le premier acteur à l'avoir interprété fut Kwan Tak-Hing, qui n'a joué presque que ce rôle, et ce, dans des films comme STORY OF WONG FEI-HUNG (1949), le moyen THE SKYHAWK (1976) ou encore le culte LE HÉROS MAGNIFIQUE (1979). Parmi ces 89 films, on en trouve de très connus, comme par exemple DRUNKEN MASTER de Yuen Woo-Ping, le chef d'oeuvre DRUNKEN MASTER II de Liu-Chia Liang, et bien évidemment la saga IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE de Tsui Hark. C'est après le succès de celle-ci que ce dernier se décide à explorer un aspect jamais vu auparavant de la vie de ce personnage mythique : son enfance, et sa relation avec son père, Wong Kei-Ying, un autre héros important de la culture populaire chinoise et hong-kongaise. Le résultat est l'une des plus grandes réussites du Kung Fu Pian et un indispensable du cinéma hong-kongais : IRON MONKEY de Yuen Woo-Ping.

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Véritable succès international à sa sortie en 1993, IRON MONKEY est un film extrêmement important dans le sens ou il aborde avec un regard nouveau une facette jamais explorée auparavant d'un des personnages les plus majeurs de toute une culture. Pour ceux qui connaissent Tsui Hark, impossible de ne pas comprendre immédiatement dans quelle optique celui-ci se lance dans la production d'IRON MONKEY : une fois de plus, c'est un film dont l'ambition première est de renouveler le genre, et par la même occasion, le cinéma, en proposant quelque chose de constamment nouveau et inattendu, et donc de profondément novateur. Au-delà du fait que placer IRON MONKEY durant l'enfance de Wong Fei-Hung renouvelle un personnage qui, à l'époque, s'embourbe d'ores et déjà dans ses nouveaux standards de qualité que sont les IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE, soit un manifeste évident de la démarche subversive et transgressive de Tsui Hark et de Yuen Woo-Ping, avoir fait de Wong Fei-Hung un personnage secondaire en regard de Wong Kei-Ying et Iron Monkey est une prise de risque d'une audace sans qualification possible à Hong Kong. En effet, le cinéma y a longtemps été littéralement monopolisé par Wong Fei-Hung (Kwan Tak-Hing en a sorti plus d'un par an pendant 20 ans), et placer ce dernier en second plan dans un film, c'est prendre le risque de larguer la moitié du public... Mais c'est aussi un autre manifeste évident de la volonté novatrice des créateurs du film, qui, d'un bout à l'autre du métrage, tentent de renouveler le genre par tous les moyens possibles. Wong Fei-Hung n'est en cela qu'une excuse dans le film, puisqu'il est de toutes façons évident que ce qui intéresse le plus Tsui Hark et son co-équipier Yuen Woo-Ping, c'est le dilemne moral auquel se confronte Wong Kei-Ying et aux relations que tissent les personnages du film avec Iron Monkey. Véritable Robin des bois chinois, c'est un personnage que Woo-Ping et Hark utilisent, une fois de plus, pour briser complètement les attentes : son identité est révélée au bout de cinq minutes, et bien que la quête de Wong Kei-Ying pour le retrouver et l'arrêter soient le point de départ et le moteur du film, en réalité, cette intrigue est abandonnée très rapidement au profit d'une histoire de combat épique contre un gouvernement corrompu à la dimension ouvertement populaire.

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La narration d'IRON MONKEY s'acharne donc à briser constamment les attentes et les conventions. Mieux encore, la narration d'IRON MONKEY s'acharne constamment à briser les attentes et les conventions amenées à Hong Kong par les productions Film Workshop telles qu'IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE et SWORDSMAN II... Au-delà d'une volonté évidente de renouveler le cinéma hong-kongais et les films d'arts martiaux, IRON MONKEY, comme à peu près tous les films produits/écrits/réalisés par Tsui Hark, témoignent de la volonté évidente de celui-ci de se renouveler lui-même avant toute chose... En ce sens, et si vous ne l'aviez pas encore compris (ce dont je doute très fortement), IRON MONKEY est une chance de plus de vous rendre compte que pendant près de 20 ans, Tsui Hark à été le moteur de toute l'industrie cinématographique hong-kongaise, un véritable fou furieux capables d'influencer par son génie créateur les modes et les tendances cinématographiques et de remettre au gout du jour des légendes, des personnages, des mythes populaires oubliés ou délaissés par le cinéma HK. Wong Kei-Ying ne fait pas exception, et si Hark et Yuen Woo-Ping laissent Wong Fei-Hung un peu de côté dans IRON MONKEY, c'est seulement pour rétablir la popularité du père de ce dernier... Ce n'est pas un hasard si, des quelques oeuvres sur Wong Kei-Ying, IRON MONKEY soit la seule à nous être parvenue en Occident, et encore une fois, ce n'est sans doute pas un hasard non plus si, la même année, Tsui Hark réalisait IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE 3, ou Wong Kei-Ying apparait... dans un rôle extrêmement secondaire. Impossible de ne pas voir les parallèles, et on pourrait continuer longtemps sur cette lancée. Reste qu'en ce qui concerne IRON MONKEY, il témoigne à chaque seconde d'une volonté de proposer un regard frais et neuf sur des sujets usés et rendus banals par une industrie qui les a trop longtemps et trop fréquemment exploité. Quoi de mieux, dans le cas de Hong Kong, que Wong Fei-Hung? C'est un choix d'autant plus judicieux qu'il permet à Tsui Hark et à Yuen Woo-Ping de faire usage de leurs compétences la ou elles brillent le plus : le cinéma d'arts martiaux.

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S'il me parait extrêmement important d'analyser et de disséquer les ambitions narratives de toutes les productions Film Workshop (et des grands films hong-kongais en général) dans la mesure ou elles regorgent d'innovations, de transgressions passionnantes et d'avancées artistiques importantes, avant tout, il me semble que la raison principale pour laquelle le nouveau cinéma hong-kongais amené par la bande à Tsui Hark est si populaire, c'est parce qu'avant il propose de sacrés morceaux de divertissement et à permis au cinéma d'arts martiaux de trouver ses plus grands aboutissements artistiques. Soyons clairs, IRON MONKEY est l'un d'eux, et si sa narration est intéréssante, ses visuels et ses scènes d'action relèvent, quand à eux, du tout bonnement monumental. On tient ici une des oeuvres les plus spectaculaires livrées par le cinéma hong-kongais, un film qui, une fois de plus, repoussent toutes les limites en apportant à ses chorégraphies déjà monumentales (toutes orchestrées par Dieu Yuen Woo-Ping) des éléments spectaculaires complètement surréalistes tous droits tirés de mangas... L'exubérance des combats n'a d'égal que leur inventivité, et si les deux fous furieux derrière le film permettent à leurs personnages de se tuer à coups de raisins ou de se balancer des cheminées à grands coups de savate, c'est autant pour en balancer un maximum dans la gueule des spectateurs que pour tenter d'apporter au genre une espèce de facette surréaliste et mangaesque afin de trancher avec d'autres oeuvres plus réalistes (dans une certaine mesure) réalisées à la même époque comme FIST OF LEGEND ou PEDICAB DRIVER de Sammo Hung. Ainsi, dans ses ambitions, IRON MONKEY rejoint les deux premiers SWORDSMAN, qui revisitaient le Wu Xia Pian, retournaient à ses sources et y apportaient des éléments complètement fous et excessifs... IRON MONKEY fait de même avec le Kung Fu Pian : c'est un retour aux sources fondatrices du genre (Wong Fei-Hung et Wong Kei-Ying), et un dynamitage en règle de tous les codes qui y sont inhérents. Inutile de chercher du réalisme dans l'oeuvre de Yuen Woo-Ping : il n'y en a pas, et c'est justement ça qui en fait un monument cinématographique complètement jouissif. Comme il était de coutume à l'époque dans les productions de la Film Workshop, plusieurs "fantasmes cinéphiles" sont aboutis avec brio ici, et la seule limite à laquelle se heurte le film est celle de l'imagination de ses créateurs, particulièrement connus pour être deux des cinéastes hong-kongais les plus imaginatifs et les plus créatifs de leur époque... Dois-je en rajouter?

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Finalement, la seule limite à laquelle se heurte IRON MONKEY et qui l'empêche de se hisser au niveau des plus grands Kung Fu Pian (IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE 2, indéniablement), c'est la mise en scène de Yuen Woo-Ping, ingénieuse, mais à des lieues d'atteindre le génie d'un Tsui Hark voire d'un Sammo Hung... Mais franchement : et alors? Difficile d'égaler le niveau de deux tels génies, et la mise en scène de Yuen Woo-Ping est déjà magnifique telle qu'elle est. Outre le fait qu'il parvienne à rendre lisible et limpide des combats d'une intensité, d'une rapidité et d'une frénésie presque inimaginable, il réussit aussi à styliser, par l'usage de sa caméra, ces grands moments de folie, et gère l'espace avec virtuosité. Au-delà de ça, on sent derrière la caméra le talent d'un homme qui a passé sa vie à magnifier ses artistes martiaux, et ici, ils sont de taille : Rongguang Yu est absolument excellent, Shi Kwan-Yen, comme à son habitude, est terrible, mais c'est surtout Donnie Yen qui est impressionnant ici... C'est simple, ce bonhomme est un des plus grands artistes martiaux de tous les temps, et chaque scène ou il apparait est rendue d'autant plus intense par son talent martial absolument magnifique. Mais le film réserve d'autres surprises, à savoir la petite Tsang Sze-Man, qui interprète brillamment le jeune Wong Fei-Hung, et s'illustre avec brio lors de scènes de combat brillament chorégraphiées par le maître Yuen Woo-Ping, dont l'inventivité, l'absence totale de limites et la gestion magnifique du rythme de l'action font d'IRON MONKEY une très grande réussite formelle et un divertissement de la plus grande qualité, par ailleurs enrichie par la beauté esthétique indéniable du film. Mais ce n'est pas tout, car IRON MONKEY, c'est aussi une galerie de personnages profondément attachants et charismatiques... Outre les géniaux Wong Kei-Ying, Wong Fei-Hung et Iron Monkey, qui sont, sans surprise, attachants et touchants, c'est surtout le personnage d'Orchidée qui réserve des surprises. Personnage touchant, voire bouleversant, elle est magnifiquement animée par Jean Wang, et ensuite par la caméra de Yuen Woo-Ping, qui sublime sa beauté et son charisme et en fait constamment un personnage surprenant et attachant. Impossible également de ne pas voir l'obsession de Tsui Hark pour les femmes derrière ce personnage, mais ce serait me répéter que de le dire encore une fois, non?

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IRON MONKEY s'impose comme un indispensable pour quiconque apprécie le cinéma d'arts martiaux : outre ses qualités évidentes en tant que Kung Fu Pian excessivement spectaculaire, c'est un film d'une grande importance qui renouvelle à chaque instant les figures iconiques et populaires qu'il aborde et qui donne une dimension nouvelle au personnage fétiche de toute l'industrie cinématographique hong-kongaise : l'excellent Wong Fei-Hung, ici représenté dans un des meilleurs films l'ayant abordé, de près ou de loin... IRON MONKEY est assurémment un grand film, qui renverse les codes du Kung Fu Pian, s'impose comme un divertissement sans égal mais aussi comme une oeuvre touchante mettant constamment ses personnages en avant et faisant preuve d'une grande maîtrise de ces derniers... IRON MONKEY, c'est tout ça. C'est drôle, c'est beau, c'est spectaculaire, ça envoie du lourd et ça s'arrête jamais. Un chef d'oeuvre? Oui. Un indispensable? Deux fois oui. Un des plus grand Kung Fu Pian? Mille fois oui, oui, oui.

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2 avril 2013

SWORDSMAN II

titre
RÉALISÉ PAR ... CHING SIU-TUNG.
PRODUIT PAR ... TSUI HARK.
ÉCRIT PAR ... TSUI HARK, ELSA TANG ET TIN-SUEN CHAN.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR ... JAMES WONG ET ROMEO DIAZ.

LINGWU CHUNG REPOUSSE SA DÉCISION DE RENONCER AUX ARTS MARTIAUX QUAND LA PRINCESSE YING-YING EST ENLEVÉE PAR L'INVINCIBLE ASIA. PARTI A SA RECHERCHE, CHUNG EST SÉDUIT PAR UNE VILLAGEOISE, SANS SAVOIR QU'IL S'AGIT DE ASIA, EN PASSE DE CHANGER DE SEXE POUR ATTEINDRE LA TOUTE PUISSANCE ENSEIGNÉE PAR LE "CANON DU TOURNESOL".


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SWORDSMAN voulait tout être à la fois : c'était là sa plus grande force, et son plus grand problème. Hark souhaitait faire de ce film, superbe mais raté, un retour aux sources du Wu Xia Pian, mais il voulait aussi, avec ce film, reconstruire en profondeur le genre. Le choix de King Hu comme réalisateur attitré allait autant dans le sens de sa première ambition que contre sa deuxième, et, inévitablement, le film devait s'écrouler sous ses ambitions. En résulte un semi-échec artistique et un bide commercial cuisant pour Tsui Hark, grand mégalomaniaque égocentrique, mais pas suffisamment centré sur lui-même pour ne pas apprendre de ses erreurs. Outre le fait qu'il ait tiré des leçons enseignées par les erreurs qu'il a fait sur SWORDSMAN pour réaliser un de ses plus grands chefs d'oeuvres et succès commerciaux, à savoir IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE, il a aussi utilisé cet apprentissage pour, en 1992, sortir du Film Workshop une de ses meilleures productions : SWORDSMAN II. Tsui Hark ne prend aucun risque, et donne à son homme à tout faire, Ching Siu-Tung, le contrôle total du navire. Pas de co-réalisateurs multiples et pas de réécritures multiples du script cette fois-ci. Juste un pur produit filmique qui s'impose très vite comme un chef d'oeuvre définitif et révolutionnaire.

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Si SWORDSMAN II est effectivement moins ambitieux que son prédécesseur, deux choses devraient toutefois être mises au clair. La première, c'est que quand des fous furieux comme Tsui Hark et Ching Siu-Tung se mettent à revoir leurs ambitions à la baisse, celles-ci restent tout de même très hautes. La deuxième chose, et pas des moindres, c'est que c'est justement parce que SWORDSMAN II est ambitieux qu'il réussit à mener ses objectifs à terme. Soyons clairs : à sa sortie, c'est un succès monumental, et, d'un point de vue artistique, c'est une révolution en profondeur d'un genre qui est alors d'ores et déjà en déclin. Avec THE BLADE et la saga IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE de Tsui Hark, SWORDSMAN II est encore à ce jour la dernière oeuvre à avoir été radicalement révolutionnaire pour le Wu Xia Pian, un film majeur qui enrichit constamment le genre d'innovations et de dimensions nouvelles, devenant par la même une oeuvre d'une importance capitale pour quiconque aime ou admire le cinéma hong-kongais. On ne reprochera donc jamais à ce SWORDSMAN II d'être moins ambitieux que son prédécésseur bancal : il tient ses promesses, et en soi, c'est largement suffisant, surtout au vu des promesses. Tsui Hark et Ching Siu-Tung, en 1992, promettent avec SWORDSMAN II un chef d'oeuvre, et avec SWORDSMAN II, ils livrent un chef d'oeuvre absolu qui relève à l'époque purement et simplement du jamais vu. Si le premier film de la saga allait déjà loin dans son délire comic-book, mangaesque et portnawakesque spectaculaire et jouissif, son successeur va encore plus loin et repousse complètement toutes les limites du genre. Spectaculaire, SWORDSMAN II l'est assurémment, et se range même facilement dans la liste des oeuvres les plus spectaculaires jamais réalisées, tant à chaque minute supplémentaire, le film devient plus fou, plus innovant et plus over the top (sans jamais être ridicule, ce qui, en soi, relève du tour de force). SWORDSMAN II met l'accent sur le fantastique et le surnaturel, et en faisant de ses artistes martiaux des combattants capables de faire appel à leur kung-fu pour procéder à des actions physiquement irréalisables. Ainsi, dans la logique du film, il est tout à fait acceptable de combattre en volant sur des étoiles ninjas de deux mètres, de soulever le sol pour le jeter sur ses adversaires ou encore de tuer avec une goutte d'eau.

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Le tout peut paraître absurde voire ridicule, et à bien des égards, SWORDSMAN II pourrait faire passer tous les IRON MONKEY du monde pour des films extrêmement réalistes, mais avec Ching Siu-Tung à la barre et Tsui Hark derrière lui pour lui filer un bon coup de pouce, impossible de trouver du ridicule dans ce joyeux bordel méticuleusement organisé qu'est SWORDSMAN II. Ching Siu-Tung, s'il n'est pas un aussi grand metteur en scène que Tsui Hark, à tout de même une compréhension de l'action que tout le monde n'a pas, et dans la mesure ou celui-ci parvient, au travers sa mise en scène, à donner du sens et à justifier tout ce qui peut paraître absurde dans son film, rien ne l'est au final. Au contraire, on ne peut qu'être stupéfaits face aux combats excessifs, éxubérants, (trop) inventifs et complètement foutraques de ce SWORDSMAN II. Au-delà de la générosité du spectacle proposé (le film concrétise bien plus d'un fantasme cinéphile, croyez-moi), c'est surtout un spectacle extrêmement maîtrisé qu'impose Ching Siu-Tung à son spectateur : le découpage, s'il est frénétique, est avant tout un modèle de maîtrise, et ce dernier parvient à capturer avec brio la grâce martiale de ses combattants tout en réussissant à exacerber la violence de l'action et à la styliser. Mais le spectacle est surtout aussi lisible qu'il est spectaculaire, et si le tout foisonne d'idées toutes plus niquées de la tête les unes que les autres, un constat simple découle de chaque scène d'action : la frénésie de ces dernières n'a d'égal que leur limpidité. Chaque scène d'action est donc un plaisir, et tant mieux, car il y en a beaucoup. Une fois de plus dans le cinéma hong-kongais, c'est le spectacle et le divertissement qui prime, et tous les prétextes sont bons à faire voler Jet Li et ses comparses dans les airs en tapant tout le monde et en faisant exploser l'intégralité du décor avec un enthousiasme que l'on ne retrouve vraiment que chez ces artistes là.

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Mais SWORDSMAN II est loin d'être un simple divertissement. En effet, entre chaque scène d'action viennent se caler des moments de poésie et de lyrisme d'une grande beauté, portés par la magnifique mise en scène de Ching Siu-Tung et la beauté esthétique et formelle stupéfiante du film. Si SWORDSMAN était déjà magnifique visuellement, sa suite le surpasse très largement de ce point de vue. Chaque plan est de toute beauté, et ce, à tous les niveaux. La photographie est sublime, les décors et les costumes sont à tomber par terre, et cette beauté esthétique est encore une fois soutenue par la partition virtuose et le bontempi épique du grand James Wong. Le tout donne lieu à de grands moments d'émotion, et SWORDSMAN II vous fera sans doute pleurer de grosses larmes avant sa magnifique conclusion. Comme d'habitude avec Tsui Hark, c'est le ressenti qui est privilégié, manifeste évident d'une volonté toute aussi évidente de faire avant tout un cinéma populaire, ce qui n'exclut pas les avancées artistiques toutefois, dont SWORDSMAN II foisonne. Une preuve supplémentaire, s'il était nécessaire d'en trouver d'autres, que, non, les grands films ne sont pas le propre du "cinéma d'auteur" (une notion qui ne veut par ailleurs rien dire)... L'équipe Film Workshop n'a que faire de telles préocuppations et livre avant tout un joyau cinématographique pur, brut, qui divertit autant qu'il bouleverse et qui plaira aux non-cinéphiles autant qu'aux cinéphiles. Une démarche que je ne peux qu'encenser en somme, surtout quand le résultat parvient au niveau d'un film comme SWORDSMAN II, Wu Xia Pian qui bouleverse autant les conventions cinématographiques du genre que les émotions de son spectateur.

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Mais cela ne serait pas possible sans une maîtrise sans précédent des personnages. Ching Siu-Tung et Tsui Hark dressent donc ensemble un portrait précis, détaillé et riche de ceux-ci, ce qui leur permet aisément de passer par toute une gamme d'émotions : on passe de scènes d'humour hilarantes au lyrisme le plus pur, et les scènes d'action les plus audacieuses et les plus spectaculaires laissent souvent place à de grands moments d'émotion viscérale. Une fois de plus, ceci n'est que le résultat du traitement magnifique qu'apporte les deux créateurs du film à leurs personnages et aux relations qu'ils tissent entre eux... En faisant de SWORDSMAN II une terrible histoire de vengeance, mais aussi une sublime et déchirante histoire d'amour, ceux-ci impliquent le spectateur émotionnellement dans ce spectacle de grande qualité, une implication par ailleurs solidement renforcée par les personnages eux-mêmes. Tous sont attachants d'une façon ou d'une autre, et en ne jugeant jamais ces derniers, Hark et Siu-Tung parviennent à les rendre d'autant plus attachants qu'ils ne sont à la base. Que ce soit Lingwu Chung, le personnage principal certes un peu abruti mais drôle et sincère, Gamin, son sidekick débile mais attachant(e) ou encore Yam Ping-Ping, la magnifique princesse dont il est amoureux, tous ont leur moment de gloire dans le film et parviennent à toucher le spectateur à un moment donné ou un autre. Mais avant tout, le coup de génie ultime du film, c'est ce personnage unique qu'est l'Invincible Asia... Étrange, ambigu, profondément insolite (surtout pour un public occidental), mais profond et touchant, tant les enjeux qu'il (elle) fait évoluer et autour desquels il évolue sont puissants et forts, c'est la réelle vedette du film : un personnage extrêmement charismatique, interprétée par la magnifique Lin Ching-Hsia (Brigitte Lin), dont chaque apparition est un plaisir viscéral et qui constitue à lui seul le coeur émotionnel de cette oeuvre bouleversante qu'est SWORDSMAN II. Mais avant tout, le personnage de l'Invincible Asia préfigure largement les oeuvres les plus abouties de Tsui Hark, notamment THE LOVERS, tant les deux films partagent une obsession évidente pour le travestissement et l'homosexualité, faisant de SWORDSMAN II un film plus fin qu'il n'y parait, qui devient dès lors une véritable chronique sociale (n'oublions pas qu'a l'époque, l'homosexualité est à Hong Kong très violemment punie.).

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Ceci dit, encore une fois, les personnages, seuls, ne seraient rien, et le film doit également beaucoup aux acteurs qui les interprète, d'autant plus que leur travail sur ce film en particulier est véritablement incroyable. Jet Li brille ici autant par ses capacités martiales que par son talent d'acteur, bien plus étendu que d'habitude. Il donne vie avec brio à son personnage, pas forcément facile à interpréter par ailleurs, et n'a donc pas à rougir face aux performances impériales de l'uber-charismatique Shi Kwan-Yen ou des sublimes Rosamund Kwan et Fennie Yuen... Mais encore une fois, c'est bien Lin ching-Hsia et son personnage de l'Invincible Asia qui vole la vedette. Celle-ci tient ici ce qui est sans conteste le rôle de sa vie et livre une performance d'une subtilité qui n'a d'égal que la tension qu'elle implique. Filmés avec virtuosité par la caméra de Ching Siu-Tung, les personnages sont constamment magnifiés par le cadre visuel du film, notamment les femmes (et c'est là qu'on ressent l'influence de notre barbichu favori), qui sont constamment au coeur et au coeur de l'image, et qui sont tellement magnifiées par le réalisateur et le producteur qu'on ressent parfois que, bien qu'elles puissent sortir du cadre à tout moment, elles en font partie intégrante, tout comme elles semblent ne faire qu'une avec l'esthétique sublime du film. C'est à quel point le film met ses personnages féminins en avant, et on en arrive parfois au point ou les autres personnages semblent s'éclipser par rapport à elles. Pour autant, il ne faudrait pas croire que les personnages masculins sont ici délaissés : ils ont leur importance, et Jet Li ainsi que Shi Kwan-Yen sont véritablement monstrueux par leur présence et leur charisme.

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SWORDSMAN II est un chef d'oeuvre absolu. Au final, c'est à ce constat simple que peut se résumer ce film. Toutes les faiblesses du premier sont effacées, pour laisser place à un monument cinématographique, d'une beauté cinématographique sans précédent, d'une générosité incroyable et d'une forte portée émotionnelle. Mais au-delà de ça, c'est une oeuvre importante historiquement pour le cinéma. C'est le début de la meilleure période qu'a connu le Wu Xia Pian : c'est le temps des IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE et de THE BLADE... Mais c'est aussi le temps du déclin et de l'essoufflement du genre qui gouverne depuis toujours le cinéma hong-kongais. SWORDSMAN II, en marquant le début d'une véritable révolution artistique, marque aussi le début de la fin d'un cinéma unique, passionnant, constamment innovant et généreux. Qu'a cela ne tienne, SWORDSMAN II est un film chef d'oeuvresque et radicalement révolutionnaire, dont la puissance n'a d'égal que son influence et son impact sur le cinéma contemporain. Un film à voir et à revoir, et qui fit la gloire de la magnifique saga SWORDSMAN, en dépit du troisième volet, déçevant et dispensable.

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31 mars 2013

SWORDSMAN

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RÉALISÉ PAR

CHING SIU-TUNG
KING HU
TSUI HARK
ANN HUI
RAYMOND LEE
ANDREW KAM

ÉCRIT PAR
MAN-LEUNG KWAN
KEE TO-LAM
KAI-MUK LAU
YIU-MING LEUNG
FU-HAO TAI
YING WONG

MUSIQUE COMPOSÉE PAR
JAMES WONG
ROMEO DIAZ


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Bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, on va parler de ma dernière découverte majeure en date, c'est-à-dire la trilogie SWORDSMAN, et plus particulièrement du magnifique premier volet réalisé en 1990 par... On me dit à l'oreille que j'étais supposé chroniquer LADY SNOWBLOOD, FEMALE YAKUZA TALE et LA BÊTE AVEUGLE ces derniers mois... Ce à quoi je réponds humouristiquement qu'on peut pas tout avoir, et, de manière plus sérieuse, que plutôt que de faire des promesses que je ne tiendrais de toutes façons (ou alors pas dans l'immédiat), je m'orienterais maintenant vers des chroniques à chaud, seulement quand l'envie et la motivation m'en saisissent, comme je le faisais avant, en somme. Dans tout ça, j'en oublie presque ce qui nous intéresse : SWORDSMAN, qu'est-ce que c'est? Et bien, SWORDSMAN, ce n'est ni plus ni moins qu'un des projets cinématographiques les plus ambitieux du cinéma de Hong Kong, avec IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE, THE BLADE et SEVEN SWORDS, un projet extrêmement casse gueule dont l'objectif était, comme la fameuse saga IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE justement, de retourner aux bases du Wu Xia Pian pour le révolutionner et le renouveler. Un pari difficile quand on sait que le Wu Xia Pian est le genre de prédilection de la colonie britannique depuis les années 50-60, période durant laquelle le genre connut son âge d'or, notamment avec les productions Shaw Brothers telles que LA RAGE DU TIGRE de Chang Cheh ou le sublime L'HIRONDELLE D'OR de King Hu, deux films avec lesquelles toute la génération Film Workshop (le plus gros studio hong-kongais des années 80-90, dirigé par l'illustre Tsui Hark) ont grandi et/ou affermi leur cinéphilie... Parmi ceux-ci, Tsui Hark, le plus fou et ambitieux d'entre eux, lance le projet SWORDSMAN en le produisant et en proposant à King Hu, considéré comme un des plus grands maîtres du cinéma hong-kongais, de le réaliser. Avec en plus Ching Siu-Tung à la chorégraphie, SWORDSMAN s'impose d'office comme un projet extrêmement alléchant... Imaginez un peu A TOUCH OF ZEN avec l'ambition et la folie furieuse d'un mec comme Tsui Hark pour soutenir le tout.

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Seulement voilà, quelque part en route, le bât blesse, et King Hu doit quitter le tournage au bout de quelques jours à peine. Maladie ou désaccord artistique avec le barbichu le plus mégalo de l'industrie cinématographique hong-kongaise? Allez savoir. Le résultat reste le même : pas moins de cinq réalisateurs, à savoir Tsui Hark, Andrew Kam, Ann Hui, Raymond Lee, et enfin, le plus important sur ce film, Ching Siu-Tung s'attèleront à essayer de sauver le film de la débacle totale. Financièrement, c'est raté, puisque le film sera un échec commercial cuisant. Pour autant, on pourrait plus facilement attribuer le crédit de cet échec à son ambition visionnaire qu'à sa production difficile. En effet, si tourner SWORDSMAN n'a sans doute été une partie de plaisir pour personne (Ann Hui n'a eu de cesse de tenter de réduire sa responsabilité sur le film depuis), une question légitime se pose : si le film avait été tourné par King Hu d'un bout à l'autre, comme cela était prévu, le film aurait-il été mieux acceuilli par le public? J'en doute fort. N'oublions pas que le public hong-kongais est extrêmement conservateur (leurs réactions par rapport à BUTTERFLY MURDERS, HISTOIRES DE CANNIBALESL'ENFER DES ARMES sont assez révélatrices), et que tout ce qui ne s'inscrit pas précisément dans les modes du moment n'échappe là-bas que très rarement à l'échec. Or, SWORDSMAN reflète brillamment l'intégralité de la carrière de Tsui Hark : c'est une tentative de bouleverser les codes du Wu Xia Pian en profondeur, ambitieux au point de tenter de s'imposer comme le nouveau standard de qualité en la matière. Une ambition que le film ne parvient jamais à concrétiser, au contraire d'IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE, mais et alors? La qualité artistique du film ne change aucunement, et à bien des égards, SWORDSMAN s'impose comme une oeuvre cinématographique majeure, un grand film plein d'ambitions louables, d'une générosité sans précédent et qui pose les bases pour un des plus grands Wu Xia Pian de tous les temps : le majestueux SWORDSMAN II, sur lequel Tsui Hark n'a pas réalisé les mêmes erreurs, puisque le film sera tourné d'un bout à l'autre par le fou furieux Ching Siu-Tung.

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Celui-ci, déjà responsable à l'époque de l'excellent mais complètement niqué de la tête DUEL TO THE DEATH, semble par ailleurs avoir tenu un rôle prédominant sur ce SWORDSMAN. Outre le fait qu'il ait réalisé seul SWORDSMAN II et qu'il ait co-réalisé SWORDSMAN III : THE EAST IS RED avec Raymond Lee, impossible de ne pas avoir l'impression de regarder DUEL TO THE DEATH par moments, tant le film, dans la manière dont il aborde les combats notamment, évoque le furieux, le sur-découpage, la folie furieuse et cette volonté de repousser les codes du genre (et du cinéma) à l'extrême déjà présente dans DUEL TO THE DEATH. SWORDSMAN, dans sa quasi-intégralité, fait preuve d'un style visuel propre à Ching Siu-Tung et à son foutraque DUEL TO THE DEATH, la seule différence majeure étant que le film pète à mille coudées au-dessus de ce dernier formellement, merci aux grands artistes dont s'entoure Tsui Hark et le Film Workshop à l'époque. Formellement, SWORDSMAN touche au sacré, et se range haut la main parmi les films hong-kongais les plus beaux visuellement... Joyau d'esthétique, sa photographie est magnifique, le travail sur les couleurs (réutilisé par Hark dans SEVEN SWORDS) est déconcertant de beauté et la reconstitution historique est tout simplement à tomber par terre. Seulement voilà, quand se cotoient dans le même film un excellent artisan comme Ching Siu-Tung et des génies visuels sans égaux comme Tsui Hark ou King Hu, il est inévitable que la mise en scène ait des hauts et des bas, et malheureusement, d'un point de vue visuel (et pas que), SWORDSMAN est bel et bien inégal... Le film parvient toutefois à garder une certaine cohérence esthétique, et même les bas du film restent sacrément hauts, les autres réalisateurs ayant travaillé étant tous au moins d'excellents metteurs en scène. Rien de bien dramatique en somme, toutefois, cette inégalité se ressent aussi dans la narration, et c'est là que le film échoue véritablement.

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Au risque de me répéter, ce genre de défauts est inévitable sur un film tel que SWORDSMAN, mais tout de même, il est extrêmement regrettable que la narration soit si inégale. Celle-ci est en effet parfois extrêmement difficile à suivre, certains personnages sortant manifestement de nulle part, et d'autres étant parfois mal caractérisés, et le film est malheureusement trop long, le rythme pêchant sur la fin. Le tout donne au film un air d'inachevé, d'inabouti qui, parfois, peut déranger, d'autant plus que le tout manque, il faut être honnête, un petit peu de cohérence... A ces défauts déjà frustrants se rajoute Sam Hui, qui interprète le personnage principal de manière correcte mais manque singulièrement de charisme, et tous les personnages ne sont pas forcément très bien exploités. Et pourtant, malgré ces défauts évidents, SWORDSMAN, chef d'oeuvre raté s'il en est, s'impose comme un grand film. On tient là un objet cinématographique d'une teneur émotionnelle incroyable et d'une puissance sans précédent, qui amène à plusieurs reprises le spectateur aux larmes, notamment au travers d'une séquence musicale de toute beauté, ou les visuels éclatants des chinois fous derrière le film se marient avec une grâce sans pareille à la composition sublime de l'illustre James Wong. Si vous ne lâchez pas votre petite larme avant la fin de SWORDSMAN, vous n'avez pas de coeur. Le coup de génie, à ce niveau-là, et simple, et réside dans les personnage secondaires mais néanmoins importants du vieux Kuk et de Lau l'ancien, deux personnages touchants et émouvants qui apparaissent en milieu de film pour le quitter brusquement au bout de 20 minutes dans une scène dans une scène d'une importance narrative qui n'a d'égal que son impact émotionnel sur le spectateur démuni face à tant de beauté, de générosité, et de pureté émotionnelle. Chef d'oeuvre en elle-même, toute la séquence mettant au centre du film ces deux personnages excellents est de loin ce qu'il y a de mieux dans SWORDSMAN, et si la suite n'est pas en reste, impossible de ne pas penser, pendant l'heure qui reste, à ces deux bouleversants vieils hommes, qui passent le flambeau aux plus jeunes Lingwu Chung et à Gamin, son sidekick, un peu comme King Hu passe avec ce SWORDSMAN le flambeau du wu xia pian aux deux malades mentaux sans limites que sont Tsui Hark et Ching Siu-Tung.

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A la vue d'un film tel que celui-ci, il est néanmoins évident que ce qui nous intéresse le plus, c'est l'action, et c'est dans ce domaine que SWORDSMAN brille le plus. C'est une oeuvre spectaculaire qui fait preuve d'une générosité dans l'action presque déconcertante, tant celle-ci va constamment en recherche de l'excès le plus total et du chaos visuel le plus fou. Tous les combats du film sont des monuments de spectacle : une fois que ça commence à se battre, ça s'arrête jamais, et ça le fait toujours de la façon la plus portnawakesque et mangaesque possible. Dans SWORDSMAN, les chevaliers se bastonnent en se lançant des serpents ou en balançant des moulins à eau à travers les murs... Et ce ne sont que quelques unes des surprises complètement folles qui vous attendent dans ce film de fou, ou l'apreté des combats se mêle au foutraque et au comique de certaines situations, où tout est prétexte à une baston de folie supplémentaire et ou on passe avec brio de la noirceur à la bonne humeur et à l'humour gras bien propre aux hong-kongais... Des pratiques qui reflètent une fois de plus une volonté évidente de la part des créateurs de SWORDSMAN de transgresser les règles établies et de bouleverser le genre même dans ses codes les plus fondamentaux (le choix du format 1.85 au lieu du traditionnel 2.35 cinémascope est révélateur de cette démarche). La place que le film laisse aux femmes va d'ailleurs dans ce sens, et est la preuve évidente de l'investissement de Tsui Hark au scénario et à la réalisation, celles-ci étant constamment magnifiées, sublimées, mises en avant par la narration. Une place d'ailleurs importante est également laissée aux deux grandes vedettes du film, la magnifique et excellente Fennie Yuen et la superbe Sharla Cheung (qui sera remplacée dans le deuxième opus par l'encore plus magnifique Rosamund Kwan), qui livrent ici deux magnifiques prestations dans des rôles de chevalières héroïques intrépides, une preuve supplémentaire, si on en avait besoin, du féminisme aigu de Tsui Hark et de l'amour que portent les cinéastes de la Film Workshop à des oeuvres comme L'HIRONDELLE D'OR ou A TOUCH OF ZEN.

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Par certains aspects, SWORDSMAN est un film raté. Il ne parvient pas à aller au bout de ses grandes ambitions, et l'ampleur du projet, avec les problèmes de production qui l'ont entouré, en font un chef d'oeuvre raté. Mais malgré tous ses défauts narratifs, SWORDSMAN reste tout de même un excellent film qui mérite un coup d'oeil bien attentif, tant ses défauts s'effacent face à ses grandes qualités. Grand divertissement avant tout, SWORDSMAN est une oeuvre forte qui, malgré ses échecs, est un jalon important dans l'avancée cinématographique du Wu Xia Pian. C'est un grand film d'une beauté formelle et esthétique rarement égalée, aussi ambitieux qu'épique et émouvant, qui, en dépit de tout, assène au spectateur un uppercut cinématographique dans le menton et le laisse KO. Si on peut être déçu du résultat final, impossible de ne pas crier au génie face à la virtuosité de certaines séquences et à l'audace furieuse de ce qui est un des meilleurs films de Ching Siu-Tung, -car c'est bel et bien son film-, qui poussera le tout encore plus loin avec SWORDSMAN II, moins ambitieux certes, mais plus maîtrisé, plus magnifique, et en regard de ses objectifs, tout de même plus réussi que ce premier opus d'une saga magnifique qui se range, avec les IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE, dans ce que le cinéma hong-kongais à fait de mieux.

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  • A TOUCH OF ZEN DE KING HU.

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16 février 2013

L'ÉCHELLE DE JACOB

Jaquette
RÉALISÉ PAR
|
ADRIAN LYNE.
ÉCRIT PAR | BRUCE JOEL RUBIN.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | MAURICE JARRE.

TIM ROBBINS | Jacob Singer.
ELIZABETH PENA | Jezzie.
DANNY AIELLO | Louis.

8
Avec L’ECHELLE DE JACOB, on touche à une sorte de cauchemar que peu de films ont réussi à aussi bien maîtriser. Underground, toujours à la frontière du propos politique, sans espoirs, L'ÉCHELLE DE JACOB est une plongée sans concession dans l'horreur, réussissant haut la main là où HELLRAISER 5 échouait.

4
Il est vraiment rare d'être confronté à un film aussi obsédant et aussi manipulateur, car si il pose toujours des contextes très précis (il façonne parfaitement ses personnages malgré la narration très aléatoire du film), il les fait toujours évoluer vers des ambiances malsaines, infernales, et tant ainsi à rejoindre le cinéma Lynchien en utilisant un imaginaire rappelant PINK FLOYD'S THE WALL (essentiellement pour les visages aux traits effacés). Chaotique, le film l'est sur bien des aspects, puisqu'à chaque fois qu'il commence une nouvelle étape de son récit, il brouille un peu plus nos repères, nous faisant évoluer constamment dans un inconnu agressif, où la menace est invisible, mais qui s'incarne toujours peu à peu pour nous livrer de véritables visions cauchemardesque (la séquence de la soirée est l'une des plus marquante, où un monstre reptilien apparaît carrément au milieu du piste de danse pour "posséder" la femme de Singer). Pourtant, le film commence par une escarmouche au Viet Nam, montrant notre personnage principal subir un assaut des viet congs alors que la moitié des hommes sont en train de péter un câble. Une scène de folie qui rappelle immédiatement APOCALYPSE NOW, sans la gradation dans la folie (ici, elle est directement balancée à la face du spectateur). Alors que l'horreur est ici bien réelle (et complètement réaliste), on retrouve notre personnage de retour au pays (il y a une absence totale de repères temporels, un façon pour le film de brouiller davantage les pistes). Il s'est remarié, son ancienne femme l'a quitté suite à la mort de leur enfant. Et c'est pendant son travail que des visions commencent à l'assaillir. Après une troublante expérience dans le métro (pure vision d'angoisse) et de mystérieux poursuivants aux traits effacés, notre personnage est de plus en plus ébranlé sur sa santé mentale. On suit alors son quotidien, qui se révèle de plus en plus altéré, et régulièrement traversé d'ellipses qui viennent morceler la trame et semer le doute. L’ECHELLE DE JACOB n'a rien d'un film linéaire, il fragmente pour mieux nous perdre au milieu des morceaux de son histoire.

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Le médecin de Singer (seul personnage toujours vu positivement, veuillez noter le grand nombre de plan qui le filment en contrejour d'une source lumineuse façon ange) disparaît du jour au lendemain, son entourage devient menaçant (sa femme prend les traits d'un démon, le plonge dans un bain de glace pour faire baisser une fièvre (en ayant l'air de l'aider, elle semble aggraver volontairement la situation)...), et il est de plus en plus convaincu que quelque chose s'est passé pendant son service au Viet Nam. Retrouvant alors ses anciens frères d'armes, il tente de lancer une enquête pour confirmer ses soupçons. Et le cauchemar prend un nouveau tournant. Il devient juridique (tous les hommes de lois se retournent brutalement contre Singer), et affectifs (tous les anciens du front disparaissent ou le méprisent). Le cauchemar évolue sans cesse, et il faudra attendre la toute fin pour avoir une piste pour rationaliser tout ce que l'on vient de voir. Mais l'ambigüité de la narration est sans cesse entretenu par la récurrence des visions du Viet Nam qui montrent Singer en pleine agonie (Hm hmm... Non, ce n'est pas aussi simple) et l'intervention de flash back assez bien pensés viennent densifier cette histoire et donner de l'épaisseur à tous ses personnages, et plus particulièrement à Jacob Singer (Tim Robbins tient là sa meilleure performance avec MYSTIC RIVER), avec qui nous traverseront cet épouvantable quotidien, empli de folie et à la lisière d'une dénonciation tardive du conflit (mais le film n'est clairement pas axé politique, il prend le contexte pour mieux planter ses ambiances de folie envahissante...).

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Un cauchemar qu'on associe vite à une sorte de purgatoire, sans pour autant céder complètement à un discours religieux. Les symboles sont là, mais jamais le film ne prend un ton prosélyte, et d'ailleurs, le personnage principal n'affiche pas de croyances particulières (il se documente simplement sur des démons). Cette explication un peu basique, permet surtout d'expliquer la narration éclatée du film, confondant les souvenirs et les épreuves jusqu'à ce que ses proches viennent le guider en dehors de son enfer (avec montée d'un escalier vers une lumière aveuglante). Si l'explication est là et a contribué à l'intérêt qu'on a accordé à cette œuvre hors norme, je la trouve un peu rapide, le film étant pour moi une série d'hallucinations d'un homme à l'agonie, que la vie abandonne et toutes les angoisses qui en naissent. Mais un soupçon de mysticisme pour faire gonfler le tout ne peut pas faire de mal. Un chef d'œuvre à part entière, aussi touchant que déstabilisant, toujours cité comme référence d’un petit jeu vidéo prénommé SILENT HILL...

1
SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ...

  • THE MACHINIST de Brad Anderson.
  • PINK FLOYD'S THE WALL d'Alan Parker.
  • ANGEL HEART d'Alan Parker.

-JAMESLUCTOR-

7

13 février 2013

A TOUTE ÉPREUVE

A toute épreuve
RÉALISÉ PAR | JOHN WOO.
ÉCRIT PAR | JOHN WOO ET BARRY WONG.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | MICHAEL GIBBS ET JAMES WONG.

CHOW YUN-FAT | Tequila Yuen.
TONY LEUNG CHIU-WAI | Long.
ANTHONY WONG CHAU-SANG | Johnny Wong.
PHILIP KWOK | Mad Dog.
TERESA MO | Teresa Chang.
PHILIP CHAN | Superintendant Pang.

Tequila Yuen, un flic tête brulée, jure de venger la mort de son partenaire et s'allie pour cela à un flic infiltré dans l'organisation du traffiquant d'armes Johnny Wong.

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En 1992, John Woo est dans une sale situation après l'échec radical de son plus gros film en date : UNE BALLE DANS LA TÊTE. Il décide alors de tourner un dernier film avant de s'exiler à Hollywood pour tourner l'affreux mais fun HARD TARGET avec Jean-Claude Van Damme. A la même époque, la rétrocession d'Hong Kong à la Chine se rapproche de plus en plus, et la situation criminelle empire radicalement : des fusillades ont lieu dans lesquelles des innocents sont tués. Enragé par la situation, John Woo, comme à son habitude, décide d'utiliser sa caméra comme catharsis et de balancer tout ce qu'il à a offrir dans un dernier film avant de tirer sa révérence et de partir vers des contrées artistiquement moins riches. Et si la suite lui donna clairement tort, puisque son escapade à Hollywood fut un désastre innomable, il faut être clair : on ne fait pas de meilleur cadeau de départ qu'A TOUTE ÉPREUVE, qui, sans égaler les incursions de Woo dans le film de guerre et dans le polar, THE KILLER et UNE BALLE DANS LA TÊTE, s'impose très rapidement ce qui devient en fin de film une évidence : c'est le film d'action ultime, l'actionner définitif et insurpassable, une oeuvre qui encore aujourd'hui continue d'influencer les plus grands, et à permis a John Woo d'ajouter à son palmarès pour la deuxième fois l'exploit d'avoir démodé tout ce qui se faisait ailleurs en matière d'action d'un coup.

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Aussi étonnant cela puisse t-il paraître, il n'y a en réalité rien de bien surprenant tant A TOUTE ÉPREUVE révplutionne d'un bout à l'autre les codes communément admis du film d'action. Faisant preuve d'une grâce visuelle dont il n'avait jamais fait preuve auparavant, John Woo signe non seulement son film le plus abouti en matière de mise en scène mais pousse aussi son style et son genre, -l'heroic bloodshed-, dans ses retranchements les plus incroyables. Si vous croyiez que LE SYNDICAT DU CRIME et THE KILLER étaient visuellement incroyables, alors sachez que vous n'avez encore rien vu, tant A TOUTE ÉPREUVE s'impose comme l'aboutissement ultime et définitif de toutes les expérimentations visuelles du grand John Woo. Celles-ci sont ici d'autant plus marquantes que Woo les pousse suffisamment loin pour qu'elles soient encore plus éloquentes que n'importe quel dialogue. Un plan suffit ici pour iconiser définitivement un personnage et s'inscrire à long terme dans la mémoire du spectateur, et la manière dont le maître filme ses personnages en dit long sur leurs personnalités et leurs motivations, en plus de magnifier leur charisme et leur présence chaque fois qu'ils apparaissent à l'écran. Racontant son histoire à l'aide de ses visuels, Woo fait aussi évoluer ceux-ci en les faisant sortir des codes esthétiques posés dans THE KILLER. Plutôt que de placer son film dans un contexte baroque, Woo mêle l'éxubérance de sa mise en scène à la violence, la froideur et le réalisme d'une cité en pleine décadence. Les décors y sont poisseux et crades, et lorsqu'ils ne le sont pas, ils sont froids et glauques... L'étonnant mélange entre les maniérismes magnifiques du maître et sa façon singulière de filmer Hong Kong crée une esthétique détonnante, tantôt presque naturaliste pour être à d'autres moments d'un insolite exemplaire, lorsque le film plonge dans des décors à la teinte bleutée déconcertante. A TOUTE ÉPREUVE à été pendant très longtemps le film le plus maîtrisé de John Woo, et pour cause, outre son esthétique, sa maîtrise se ressent également dans le scénario et, c'est une évidence, dans les fusillades.

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Impossible de ne pas parler de John Woo et encore moins d'A TOUTE ÉPREUVE sans parler des fusillades, car ne nous voilons pas la face, on ne regarde pas un film comme A TOUTE ÉPREUVE pour son scénario (même si celui-ci est très réussi, mais j'y reviendrai), mais parce que ça tire dans tous les sens... Ceux qui ne sont pas familiers avec le film vont être servis de ce point de vue, car non seulement ça tire dans tous les sens, mais en plus ça commence dans le feu de l'action et ça s'arrête jamais. John Woo enchaine ici les scènes d'action d'anthologie, qu'il s'agisse de cette fusillade incroyable dans une maison de thé ou la fusillade de 45 minutes dans un hopital, toutes sont filmées avec la même virtuosité, la même fluidité et la même exigeance... Outre son sens du cadre sidérant et sa capacité évidente à former des plans magnifiques, Woo se fait ici maître du montage, en faisant évoluer ses nombreux personnages au milieu de ses scènes d'action spectaculaires sur des plans différents en permanence sans jamais perdre le spectateur... Tout cela, il le doit à sa gestion de l'espace, très rarement surpassée, et à sa maîtrise du rythme. Chaque fusillade, chaque gunfight à son rythme propre et immerge le spectateur dans un véritable ballet de balles ou ça tire en permanence de tous les côtés sans jamais que cela soit too much : tout est parfaitement dosé, et mieux encore, Woo prend son spectateur à contrepied en amenant le climax de chaque scène la ou il n'attend pas, ainsi, si la mythique et culte glissade sur la rambarde de Chow Yun-Fat peut apparaître comme le sommet de la scène en question, il est en fait largement surpassé deux minutes après. Surprenant, A TOUTE ÉPREUVE l'est constamment, notamment grâce aux idées et délires visuels divers mais toujours inventifs et sublimes auxquels s'adonne le grand John pour notre plus grand plaisir de spectateur. D'ailleurs, d'un point de vue strictement sensoriel, A TOUTE ÉPREUVE apparaît comme l'un des films les mieux chorégraphés de tous les temps, et si les personnages se tirent mutuellement dessus à coups de pistolets plus gros qu'eux en faisant exploser la totalité de décors bel et bien modernes, impossible de ne pas penser au wu xia pian et au kung fu pian tant chaque plongeon, chaque saut de côté, chaque acrobatie mise en scène ici est la preuve de la grâce presque martiale du film.

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Cette grâce est toutefois constamment contrebalancée par la brutalité et la violence propre à John Woo, qui livre ici une oeuvre brute et profondément enragée. Si on connait tous le traitement ultra-stylisé de la violence propre à John Woo, on ne peut qu'être surpris lorsque celui-ci se met à descendre sans aucune concession des innocents dans une maison de thé ou à dégommer des infirmières à coups de mitraillette, et en cela, A TOUTE ÉPREUVE s'impose comme l'un des films les plus ultra-violents du maître... Si la plupart de ses précédents films s'échignaient à infliger la violence uniquement à ceux qui étaient profondément impliqués dans les histoires qu'il dépeignait, ici, personne n'est épargné, et si, derrière le meurtre brutal de nombreux innocents, il ne semble n'y avoir que de la vacuité, chaque plan est en fait le témoin direct de la rage envers le crime organisé et les Triades qu'animait alors John Woo. Assurémment subversif, A TOUTE ÉPREUVE est d'autant plus brutal qu'il tranche radicalement avec les autres films de John Woo dans la mesure ou le côté shakespearien et romancé qui en étaient la grande marque est ici presque totalement absent et laisse davantage la place à la démonstration pure et simple de toute la brutalité d'une époque... Pour autant, ce qui demeure le plus intéréssant ici c'est la manière dont Woo dépeint et stylise la violence avec beauté et exubérance. Il est juste de parler pour ce film de chorégraphie de la violence, tant chaque tir et chaque mort est "sublimé" a grands coups de ralentis et de jeux de montage, sans pour autant perdre leurs dimensions profondément viscérales et leur violence. Celle-ci à d'ailleurs un rôle très important dans le film dans la mesure ou c'est constamment à travers les scènes d'action que les personnages évoluent en même temps que l'histoire. Les épreuves physiques qu'endurent les personnages poussent en permanence le film vers l'avant, jusqu'a un climax ou tous reviennent soit profondément changés soit ne reviennent pas du tout.

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Et c'est bel et bien en ce sens qu'A TOUTE ÉPREUVE est une baffe technique et visuelle. John Woo y renouvelle tellement bien les codes du genre qu'il investit et pousse sa mise en scène tellement loin qu'il est capable de supplanter presque tous les moyens de narration classique, -a savoir la grande majorité des dialogues-, par des scènes visuellement spectaculaires, mais aussi par conséquent de livrer une oeuvre plus mature. Le fort de John Woo n'est pas les dialogues, et ceux-ci, dans certaines de ses précédentes oeuvres, sont parfois assez naïfs et à la limite de la niaiserie. Ce n'est aucunement le cas ici, dans l'image prend le pas sur la parole, parfois au risque de prendre le pas sur l'histoire et le scénario... Et malheureusement, c'est bien ce qui arrive, car si A TOUTE ÉPREUVE est bel et bien une baffe absolue, il peine à se hisser au niveau des monuments inégalables que sont THE KILLER et UNE BALLE DANS LA TÊTE, notamment parce que le film est hélas loin d'être aussi abouti scénaristiquement qu'il ne l'est visuellement. Si on ne reprochera pas au film la simplicité de son scénario, qui est suffisamment efficace pour qu'on oublie ses tares, il est difficile de ne pas en venir à reprocher au film son manque de véritable souffle épique et sa sécheresse émotionnelle... C'est dommage, mais dans le même temps, Woo signe un film d'une complexité rare, en abordant avec classe et virtuosité des sujets aussi complexes que la double identité et amenant avec plus de maturité les amitiés viriles à la Chang Cheh qui lui sont si chères. Pourtant, malgré ces qualités objectives évidentes, la déçeption à ce niveau est bien là : A TOUTE ÉPREUVE n'agit bel et bien pas comme une baffe émotionnelle, et ce, en dépit des acteurs, qui font un travail incroyable sur leurs personnages en plus de faire preuve d'un charisme rarement égalé (Chow Yun-Fat vole la vedette, comme d'habitude, Tony Leung est sidérant, quand à Anthony Wong et Philip Kwok, ils composent deux badass mother fuckers d'anthologie comme on les aime). Le film n'est jamais touchant d'une quelconque façon, et c'est bien dommage.

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Pourtant, peut-on décemment reprocher à un grand réalisateur d'évoluer comme il le devrait? UNE BALLE DANS LA TÊTE était lui-même bien moins romancé que LE SYNDICAT DU CRIME et THE KILLER, et, en ce sens, on peut bel et bien voir une évolution logique et inévitable au sein de l'oeuvre de Woo avec A TOUTE ÉPREUVE. Il semble en plus clair que l'ambition de ce dernier avec ce film n'était pas de toucher à l'émotion, mais plutôt de déchainer sa rage dans un monument visuel filmique, de donner tout son génie au genre qu'il avait fondé avant de passer définitivement à autre chose, Woo n'étant jamais revenu à l'heroic bloodshed. A TOUTE ÉPREUVE est d'ailleurs l'un des derniers films du genre, et paradoxalement, c'est la dernière grande évolution que celui-ci ait vécu... Et, en quelque sorte, ne peut-on pas voir dans ce film un véritable chant du cygne du genre? Ne peut-on pas voir dans ces figures qui n'ont d'héroïque que leurs ambitions (Tequila est l'équivalent chinois de l'inspecteur Harry et Long, en tant qu'infiltré, doit tuer des innocents) la déchéance du genre en plus de sa dernière évolution marquante? Pour toutes ces raisons, les quelques reproches que je peux faire à A TOUTE ÉPREUVE sont pour moi tout à fait insignifiants, d'autant plus que ce que le film manque en souffle épique et en émotion, il le rattrape en spectacle, en divertissement, et en génie visuel quasi-orgasmique.

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A TOUTE ÉPREUVE
est le film d'action définitif. John Woo y fait preuve d'un génie visuel et d'une propension à innover sans jamais de faire concession qui n'a jamais été égalée par l'avenir. Avec TIME AND TIDE, A TOUTE ÉPREUVE s'impose comme le chant du cygne du polar hong-kongais et de l'heroic bloodshed, un genre qui, malgré toutes ses qualités, n'a réellement vécu que 6 ans au travers d'une figure importante : John Woo, qui est ensuite parti aux Etats-Unis ou sa carrière à été littéralement sabordée. Quel dommage, surtout quand on pense à tout ce que le cinéma hong-kongais avait à offrir : de l'inventivité artistique, de l'émotion, et de la générosité à foison. Ce cinéma est désormais fini, en dépit des efforts de réalisateurs comme Tsui Hark pour le ressusciter, et c'est bien dommage. Personne n'a jamais fait mieux que les hong-kongais dans les genres qu'ils ont investi par la suite, et si on a maintenant accès à bon nombre de leurs films, malgré cela, ce cinéma me manque. Dans tous les cas, A TOUTE ÉPREUVE est un indispensable, un film que tout cinéphile se devrait de voir et de posséder, une oeuvre majeure qui va révolutionner votre vision du cinéma d'action et qui va surtout vous exploser les rétines. Un plaisir sensoriel rarement surpassé. Un chef d'oeuvre.

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10 février 2013

UNE BALLE DANS LA TÊTE

Jaquette
RÉALISÉ PAR
|
JOHN WOO
.
ÉCRIT PAR | JOHN WOO, PATRICK LEUNG ET JANET CHUN.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | JAMES WONG ET ROMEO DIAZ.

TONY LEUNG CHIU WAI | Bee.
JACKIE CHEUNG | Fai.
WAISE LEE | Wing.
SIMON YAM | Lok.
FENNIE YUEN | Jane.
YOLINDA YAM | Yan Sau Ching.

En 1967, trois amis d'enfance fuient Hong Kong après avoir tué involontairement un chef de gang et tentent de faire leur fortune au Viet-Nam.

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Ca fait un bout de temps que je veux réécrire certaines de mes chroniques. En l'occurence, il m'a toujours semblé que John Woo a sur ce site toujours souffert d'une grande injustice : ses oeuvres sont reléguées au second plan, celles-ci ayant été chroniquées dès la création du blog, et surtout, les articles qui leurs sont destinés manquent clairement de maturité et d'analyse cinématographique. Ce n'est pourtant pas faute de vénérer littéralement le bonhomme, qui est ni plus ni moins que mon deuxième réalisateur hongkongais préféré, juste derrière Tsui Hark, et ceux qui connaissent ma passion immodérée pour le cinéma hong-kongais des années 80 et 90 savent ce que cela signifie. John Woo est un très grand réalisateur, et les grands réalisateurs méritent des critiques toutes aussi géniales. Et si je ne pense pas être un critique génial, je vais néanmoins tenter de vous donner envie de jeter un coup d'oeil a un film bien injustement ignoré : UNE BALLE DANS LA TÊTE, chef d'oeuvre maudit et injustement mal aimé de John Woo... Mais aussi son plus grand film. Un film que je regarde en boucle depuis que j'ai 9 ans et qui, même maintenant, se range haut la main dans mes 10 "all time favourites".

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Un peu d'histoire pour commencer. En 1986, John Woo s'est heurté à plusieurs reprises, déjà, à la rigidité de l'industrie cinématographique hong-kongaise de l'époque. Il est coincé dans un schéma artistique qui ne lui plait pas, puisqu'en tant que réalisateur pour la Golden Harvest, il est contraint de réaliser de nombreuses comédies dans lequel il ne parvient pas à imposer son style, ainsi qu'un film de guerre, LES LARMES D'UN HÉROS, dans lequel il balance toutes ses frustrations de l'époque, elles-mêmes atténuées par les studios, qui imposent à un autre réalisateur d'ajouter au film des scènes de sexe inutiles et des passages comiques d'un faible niveau. A cette époque, la créativité de John Woo est au plus bas, mais c'est à la même époque qu'il rencontre Tsui Hark, qui est au même point : de tous les films qu'il à fait, malgré leur qualité, tous ont méchamment bidé. Hark prend néanmoins John Woo sous son aile, dans son studio, le FILM WORKSHOP, ou il réalise LE SYNDICAT DU CRIME, film fondateur de l'heroic bloodshed qui va a lui seul révolutionner et rendre célèbre d'un point de vue international le cinéma hong-kongais. Les deux grands fous que sont Woo et Hark continuent leur collaboration, jusqu'a ce que Woo arrive un jour avec l'idée à la base d'UNE BALLE DANS LA TÊTE... Tsui Hark lui pique comme un malpropre, et avec cette dernière, réalise LE SYNDICAT DU CRIME 3. John Woo coupe tout lien et interrompt sa collaboration avec Tsui Hark, mais son envie de réaliser UNE BALLE DANS LA TÊTE et son ambition est plus grande que jamais. Après les succès du SYNDICAT DU CRIME 1 & 2, John Woo a le champ libre pour faire ce qu'il veut. Il met donc au point un projet colossal : un film de 3 heures sur la guerre du Viet-Nam, comportant également un aspect très personnel pour John Woo, puisqu'il y aborde son enfance difficile à Hong Kong et la misère qui y régnait à cette époque. Tout laisse alors présager un chef d'oeuvre, jusqu'aux premières projections du film... C'est un échec MONUMENTAL.

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La raison est simple : UNE BALLE DANS LA TÊTE aborde de manière très frontale la violence des manifestations pour la paix au Viet-Nam, et celles-ci ne sont pas sans évoquer, pour le public hong-kongais, les massacres de la place Tian'anmen, survenus un an avant la sortie du film. Le film est un énorme échec, et John Woo est contraint de remonter son film... Avec l'aide improbable de 12 monteurs, il raccourcit son film d'une heure, mais le remontage est une catastrophe et la version originale part aussitôt a la poubelle. On ne la verra donc malheureusement jamais, et nous devrons donc nous contenter de la version de 2 heures actuellement disponible en DVD (le DVD n'est d'ailleurs pas très beau, mais c'est sans doute plus un problème de copie qu'autre chose... Les hong-kongais et la conservation des films, ça n'a jamais fait bon ménage.). Le résultat est un chef d'oeuvre raté. Un film qui aurait pu être bien mieux, et qui est bourré de failles : des passages manquent, des faux raccords s'y trouvent (c'est inévitable quand on découpe un film comme ça)... Tout chef d'oeuvre raté qu'il est, UNE BALLE DANS LA TÊTE reste néanmoins un vrai chef d'oeuvre, un film dont l'ampleur n'est même pas étouffée par son remontage, dont la puissance émotionnelle est toujours intacte et qui témoigne d'une maîtrise formelle que peu de réalisateurs peuvent prétendre avoir. N'écoutez pas la majorité : aussi magnifique soit-il, THE KILLER, souvent considéré comme le chef d'oeuvre de John Woo, se fait exploser sur place par UNE BALLE DANS LA TÊTE, un grand film, qui, malgré sa production difficile, se range haut la main au côté des chefs d'oeuvres du film de guerre comme APOCALYPSE NOW, CROSS OF IRON ou THE DEER HUNTER.

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UNE BALLE DANS LA TÊTE
est d'ailleurs à bien des égards un remake à peine déguisé de ce dernier. Seulement, la ou Michael Cimino abordait la guerre de manière très intimiste, et proposait une étude psychologique poussée de ses personnages, John Woo préfère livrer une oeuvre épique et très shakespearienne, s'inspirant autant d'HAMLET que des oeuvres épiques de Sam Peckinpah et de Chang Cheh. Ainsi, John Woo tranche ici clairement avec la subtilité inhérente aux grands films du genre en proposant un regard baroque, parfois même excessif sur la guerre du Viet-Nam et sur l'influence de cette dernière sur les rapports humains. Dans THE KILLER et LE SYNDICAT DU CRIME, Woo proposait un regard très romancé sur l'amitié et la loyauté, que même la violence et la mort ne pouvaient pas briser, mais dans UNE BALLE DANS LA TÊTE, il démolit littéralement l'amitié et va donc la ou on ne l'attend pas. Partant d'un récit d'amitié extrêmement romancé, John Woo brise ensuite toutes les illusions naïves d'un coup pour confronter ses personnages à la dureté de la réalité et de la vie. Le monde est en plein chaos, et c'est une période de trouble social pour tout le monde, et Woo n'hésite pas à le montrer frontalement et sans concession... Ceux qui le pensaient naïf et niais seront ici surpris tant UNE BALLE DANS LA TÊTE transpire la noirceur, le nihilisme, mais c'est aussi un film qui brille par le réalisme de son fond. Si la forme est baroque, folle et excessive à souhait, le fond, lui, reflète avec force l'horreur et la violence humaine ainsi que le chaos social qui secoue nos sociétés depuis des siècles, le même chaos dans lequel les personnages principaux du film évoluent constamment, dont ils sont autant les victimes que les acteurs, et qui finissent inévitablement par être influencé par le manque de société convenable qui les entoure... Les séquelles sont physiques et morales, mais aucun ne revient le même des épreuves présentées ici, même les personnages les plus forts et les plus préparés à ce qui les attend.

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N'épargnant rien à ses personnages, UNE BALLE DANS LA TÊTE se présente dès le départ comme une expérience viscérale mais surtout comme une baffe émotionnelle d'une rare intensité. Outre la violence et la noirceur de son propos, le film s'impose comme une oeuvre véritablement bouleversante de par son aspect très shakespearien. L'amitié étant ici la valeur fondamentale et primordiale, la seule supposée résister aux atrocités de la guerre et de la violence, le film s'avère être extrêmement émouvant lorsque la trahison s'impose comme la seule capable de survivre et de dominer. Outre la noirceur du propos, UNE BALLE DANS LA TÊTE doit sa puissance émotionnelle à la maîtrise incroyable de John Woo de ses personnages. Ceux-ci peuvent sembler caricaturaux, pourtant, leur portrait est toujours très subtil, cohérent et intelligent. John Woo restant John Woo, néanmoins, impossible de ne pas voir dans les personnages du film des incarnations modernes de véritables paladins ou de chevaliers de wu xia pian, et cela contribue à les rendre tous doublement attachants. Mais ce sont surtout les relations qu'ils entretiennent entre eux qui constituent le coeur émotionnel de l'oeuvre. En effet, tous les personnages sont représentatifs de "l'amitié virile" présenté dans les wu xia pian épiques de l'illustre Chang Cheh, c'est-à-dire que leurs rapports s'apparentent presque à des relations ouvertement homosexuelles, la distinction entre le compagnon d'armes et le compagnon tout court étant, comme d'habitude chez John Woo, extrêmement floue. Une fois de plus, on pourrait facilement voir de la niaiserie et de la naïveté derrière une telle démarche mais en réalité elle témoigne davantage d'une volonté d'amplifier l'épique et le baroque de chaque situation. Toujours est-il que cette dimension quasi-homosexuelle est ici fortement contrebalancée par le personnage de Wing, dont l'évolution dramatique et nihiliste, à défaut d'être subtile, est bien amenée et est surtout déchirante pour le spectateur comme pour les autres personnages. En faisant du pétage de plomb inévitable de ce personnage déséquilibré l'élément central de tension, Woo place d'office son film sous le joug de la fatalité, une fatalité, qui, lors de sa concrétisation physique, risque de vous envoyer une des baffes morales et émotionnelles les plus mémorables que vous vous soyez pris devant un film.

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En effet, à l'aune de sa conclusion (voire avant), UNE BALLE DANS LA TÊTE risque bien de vous bouleverser ou en tout cas de vous marquer durablement, mais cela, le film ne le doit pas uniquement à sa force émotionnelle. Celui-ci ne serait pas le même sans la maîtrise de John Woo, qui signe ici un de ses films les mieux mis en scène. Moins baroque et moins maniériste dans la forme que THE KILLER, UNE BALLE DANS LA TÊTE reste une oeuvre très stylisée qui doit beaucoup à la mise en scène monumentale du maître... Outre les innovations visuelles qu'on lui connait déjà (et qui trouvent leurs plus grands aboutissements dans le monumental A TOUTE ÉPREUVE), Woo se montre ici tout à fait capable de calmer ses ardeurs pour livrer une oeuvre moins folle, moins inventive, et donc, moins marquante visuellement, mais aussi plus crue, plus dure et surtout plus forte dans son traitement de la violence. Que ce soit dit, UNE BALLE DANS LA TÊTE est l'une des oeuvres les plus violentes qu'il m'ait été donné de voir, non pas parce qu'il est visuellement ultra-violent, mais avant tout parce qu'au travers de sa mise en scène, Woo balance des morceaux de violence morale dans la gueule du spectateur avec une force rare et une absence totale de concession et de limites... La scène du camp de prisonniers en témoigne bien. Véritable écho de THE DEER HUNTER, elle défonce littéralement son modèle au niveau de la violence morale, et torture autant ses personnages que son spectateur... La mise en scène de Woo finit de faire d'UNE BALLE DANS LA TÊTE une oeuvre profondément hystérique, capturant avec pêche et puissance la folie de l'époque qu'il représente et offrant un spectacle formel d'un excellent niveau : la photographie est somptueuse, la reconstitution historique incroyable, et la façon dont Woo oppose la façon presque naturaliste avec laquelle il filme Hong Kong avec le baroque et l'excès du Viet-Nam inspire clairement le respect. Qui plus est, on retrouve une fois de plus la maîtrise incomparable qu'a John Woo de la musique... Omniprésente, celle-ci est utilisée comme dans un opéra pour marquer avec force les émotions, rythmer l'émotion et la graduer. La cohésion entre la bande-son et l'image est ici presque parfaite, d'autant plus qu'elle est composée par le meilleur compositeur hong-kongais : le grand James Wong, dont je ne peux dire que du bien.

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Au-delà de ça, c'est également à la maîtrise visuelle du grand John que revient le mérite du charisme de ses personnages... D'office, dès le premier plan ou les personnages sont comme gravés dans la roche, ceux-ci apparaissent comme des icônes, représentant en une image toutes les valeurs qu'ils incarnent. L'amitié, la loyauté, la famille, la trahison sont autant de valeurs chères à John Woo (et l'obsédant, pour être honnête) qui sont représentées de manière presque explicite par chaque personnage. Mais surtout, chaque personnage fait preuve d'un charisme visuel incroyable, qui est dû autant à la maestria visuelle de John Woo qu'aux acteurs qui animent avec brio les protagonistes du film. S'il semble clair que Tony Leung Chiu-Wai livre, comme à son habitude, une très grande prestation et anime avec grâce le rôle principal, il ne faudrait pas oublier Jackie Cheung et Waise Lee, acteurs la plupart du temps relégués aux seconds couteaux, qui trouvent ici tous deux leurs meilleurs rôles et s'investissent à fond dans des performances irréprochables au potentiel émotionnel viscéral. Mais c'est surtout Simon Yam qui vole la vedette ici, dans le rôle de Lok, tueur à gages profondément héroïque qui n'est pas sans évoquer le protagoniste principal de THE KILLER... Celui-ci vole complètement le show de par la classe, le charisme et la puissance de sa performance, mais en somme, tous brillent ici pour les mêmes raisons, et si UNE BALLE DANS LA TÊTE est un "film d'hommes", il ne faudrait également pas oublier que Fennie Yuen et Yolinda Yam, deux des plus belles actrices hong-kongaises, irradient l'écran de par leur charme et leur beauté. Tous donnent vie avec brio à ce qui est probablement le film le mieux écrit de John Woo : on y retrouve le même souffle épique et la même force viscérale, mais en même temps, les dialogues parfois ratés des précédents opus Wooiens sont ici complètement évités et on se retrouve donc face à un film qui évite donc constamment la naïveté ou la niaiserie pour balancer des grosses baffes dans la gueule du spectateur.

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UNE BALLE DANS LA TÊTE
est un chef d'oeuvre raté, c'est un fait. Impossible de ne pas se dire, à la vision du film, que ça aurait pu être encore mille fois mieux. Mais en l'état, combien de films arrivent-ils à être aussi bouleversants et aussi viscéraux? Car soyons clair, UNE BALLE DANS LA TÊTE est le film de guerre ultime. C'est une oeuvre qui transcende complètement les attentes et assène sans aucune concession, limite ou retenue de gros uppercuts moraux dans la baffe du spectateur, démuni face à tant de chaos, d'hystérie, de folie et de violence si magnifiquement représentés à l'écran par la caméra d'un maître au sommet de son art. John Woo n'a jamais fait mieux, et ne fera jamais mieux. La raison est simple : UNE BALLE DANS LA TÊTE est une oeuvre universelle, qui parlera à tout le monde et qui décrit un chaos social plus actuel que jamais, et qui, par conséquent, s'inscrit et reste inévitablement dans la mémoire de ceux qui ont la chance de l'avoir vu. C'est un chef d'oeuvre raté, oui, mais c'est aussi un chef d'oeuvre tout court, et à défaut d'atteindre le degré de puissance qu'il aurait pu avoir, UNE BALLE DANS LA TÊTE enterre néanmoins la très grande majorité des films. C'est une des oeuvres les plus viscérales et les plus bouleversantes jamais créées, et aussi maudit soit-il, UNE BALLE DANS LA TÊTE reste l'un des meilleurs films tournés à Hong Kong, et à titre personnel, un des meilleurs films au monde.

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60

23 novembre 2012

SUSPIRIA

jaq
RÉALISÉ PAR | DARIO ARGENTO.
ÉCRIT PAR | DARIO ARGENTO, DARIA NICOLODI A PARTIR DE L'OEUVRE DE THOMAS DE QUINCEY.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | GOBLIN.

JESSICA HARPER | Suzy Benner.
ALIDA VALLI | Miss Tanner.
STEFANIA CASINI | Sara.

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Inutile de passer par quatre chemins : SUSPIRIA est ce que l'horreur européenne a produit de mieux. Il est pourtant rare qu'un film soit authentiquement parfait, mais avec SUSPIRIA, nous tenons véritablement une petite perfection, un chef d'oeuvre qui n'a d'égal dans le genre que les oeuvres les plus exceptionnelles qui l'ont façonné... SUSPIRIA se range dès les premiers instants dans les meilleurs films d'horreurs jamais faits, ce qui est d'autant plus éloquent lorsqu'on sait que c'est un genre qui a été le terrain de prédilection de nombreux auteurs talentueux l'ayant utilisé pour y poursuivre expérimentations visuelles et narratives et avancées cinématographiques... Parmi ceux-ci, on compte bien évidemment John Carpenter, George A. Romero, Lucio Fulci, mais aussi et surtout Dario Argento, pionnier du cinéma d'horreur italien, qui inventa tout avant tout le monde et façonna presque à lui seul l'horreur telle qu'on la connaît aujourd'hui. Et si la fin de carrière du monsieur est loin d'être aussi magnifique (c'est le cas de le dire), il est bon de se rappeler qu'il maestro a révolutionné au moins par trois fois le cinéma d'horreur contemporain : une fois avec PROFONDO ROSSO, une autre avec INFERNO, et pour finir, et pas des moindres, avec ce qui est à son jour son chef d'oeuvre absolu (et c'est pas prêt de changer) : SUSPIRIA.

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Dès les premières minutes du film, il devient très clair que nous sommes face à une oeuvre qui atteint un niveau de perfection visuelle et auditive que rarement une oeuvre d'art a atteint avant. Ce n'est en rien éxagérer que de dire que SUSPIRIA est certainement l'un des plus beaux films jamais réalisés, tant chaque plan est une preuve supplémentaire du soin visuel incroyable apporté au film dans sa globalité... Impossible de ne pas voir l'influence du baroque et du maniérisme, mais Argento pousse ses influences tellement loin et tellement fort qu'il les détourne pour finalement rendre la grandiloquence et l'exubérance encore plus grandiloquente et exubérante qu'auparavant... Tout respire l'artifice dans ce film, pour notre plus grand plaisir, tant chaque plan, par ses éclairages rouges-bleus-verts complètement surréalistes, ses décors démesurés, colorés et imposants, ou même par le mouvement de caméra délirant qui le constitue, s'avère être un plaisir visuel d'une grande intensité. Vous l'aurez compris, la grande force de SUSPIRIA, c'est avant tout ses visuels, tous plus magnifiques les uns que les autres, tous prouvant encore plus à chaque instant la maîtrise incomparable d'un grand réalisateur au sommet de son art. Celui-ci, d'ailleurs, n'oublie jamais une seconde que des visuels ne suffisent jamais à faire un film, aussi beaux soient-ils, et se rappelle constamment de les utiliser dans un but précis, c'est-à-dire constituer une ambiance superbe, tantôt angoissante, tantôt onirique et poétique mais toujours surréaliste au possible. Dans SUSPIRIA, l'ambiance est étouffante, mais paradoxalement, chaque nouvel effet de lumière, chaque nouveau décor, constitue une bouchée d'air frais. En effet, SUSPIRIA est avant toute chose une oeuvre novatrice, qui réinvente constamment le genre par son visuel et redéfinit les standards qui le constitue toutes les dix secondes. Pour preuve, après 1977, seuls les très grands maîtres, tels que Carpenter (et encore), parviendront à se défaire de l'influence inévitable de la pièce maîtresse d'Argento, qui, avant d'être une expérience sensorielle incroyable, s'avère surtout être une leçon de cinéma d'une importance qui peut constamment être mesurée. Il n'y a qu'a voir les oeuvres, pourtant très récentes, de l'excellent James Wan (en particulier DEAD SILENCE) pour se convaincre que SUSPIRIA est une oeuvre capitale, sans laquelle le cinéma contemporain ne serait sans doute pas le même et dont l'influence peut encore être mesurée aujourd'hui.

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Malgré cette influence, SUSPIRIA, dans son domaine, reste quasiment insurpassée. La raison est simple et explique également pourquoi Argento n'a jamais retrouvé le même niveau de génie par la suite, c'est parce qu'il a versé dans ce film tout son génie et tout son savoir faire. Le résultat est puissant : SUSPIRIA se range tout simplement dans les films à l'atmosphère la plus géniale. Celle-ci remue les sens, et ceci n'englobe pas seulement la vue mais aussi (et plus particulièrement) l'ouïe, mise à l'épreuve maintes fois pendant les 90 minutes de bobine mais se régale également constamment. Au-delà de la sublime bande-son des Goblin, que tout le monde connaît déja probablement par coeur, il y a dans SUSPIRIA un véritable travail sur le son, constamment surprenant mais surtout dérangeant et effrayant, qui s'avère d'autant plus efficace qu'il est perpétuellement en symbiose avec les visuels du film. C'est le principal aspect de SUSPIRIA qui en fait une des oeuvres les plus effrayantes de tous les temps : chaque scène de flippe s'avère en effet d'autant plus tétanisante que l'intelligence des visuels est souvent renforcée par une musique complètement surréaliste aux élans de barbarie et de terreur incroyables... Le tout s'avère une fois de plus d'autant plus efficace qu'il est doublé par la maîtrise du suspense incroyable d'Argento, qui, à ce niveau, s'inspire comme à son habitude du meilleur (à savoir Hitchcock, dont l'influence sur le cinéma d'horreur italien n'est plus à prouver.) pour produire le meilleur... A ce titre, il y a dans SUSPIRIA plusieurs des scènes les plus tendues et les plus tétanisantes qu'il m'ait été donné de voir. Celles-ci le sont encore plus une fois que l'on en arrive à la crystallisation de toutes les peurs accumulées pendant le film : cela donne lieu a l'un des climax les plus intenses et les plus flippants vus dans un film d'horreur, d'autant plus fort qu'il atteint un sommet d'inventivité incroyable et finit de faire définitivement de SUSPIRIA une oeuvre universelle.

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En effet, aussi artificielle soit elle, la mise en scène de SUSPIRIA va bien au-dela de la vacuité et de la prétention que l'on pourrait facilement lui attribuer. Réalisateur maniériste en soi, Argento en fait constamment des tonnes certes mais toujours dans une optique précise, et ici, son traitement grandiloquent de son histoire s'inscrit dans une méthode de traitement très précise de l'histoire. En effet, Argento détourne habilement cette histoire, typique des conte de fées classiques (impossible de ne pas voir en la très mignonne Jessica Harper une représentation moderne de la fée), en l'inscrivant dès le départ dans une esthétique surréaliste et étrange. Ce n'est pas un hasard si cette esthétique ne quitte jamais les murs de l'école de danse ou se passe la majorité du film, mais bien parce que celle-ci est le berceau de toute cette magie propre aux contes de fées... Dès lors qu'on entre dans les murs de cet endroit maudit, SUSPIRIA prend une portée universelle, dans la mesure ou par son traitement surprenant du conte de fée traditionnel, il touchera tout le monde et restera dans la mémoire de tous... Dès lors que les sorcières oublient leurs pommes empoisonnées et décident d'employer des cadavres pour faire leur basse besogne, vous savez que vous êtes en train de regarder un conte de fée d'un genre nouveau. C'est une vision macabre d'oeuvres traditionnelles, qui, si elle laisse de la place à l'innocence et a la beauté (en témoigne son actrice principale), n'a aucune limite morale. Ici, la violence est tout aussi inventive qu'elle est atroce, et les personnages sont constamment sujet à un sadisme effrayant, qui en plus d'être inattendu, n'est pas toujours la ou on le croit et dépasse très largement les scènes de meurtre qui font le coeur de tout film d'horreur...

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La ou SUSPIRIA inspire le respect, c'est également dans sa narration. Celle-ci est exceptionnelle dans la mesure ou l'histoire ne fait qu'un avec le reste du film. Les dialogues sont ici secondaires : c'est par la mise en scène et les visuels qu'Argento raconte son histoire, d'une simplicité exemplaire qui nécessitait un tel traitement pour demeurer intriguante. Il est à ce titre assez surprenant de constater que la narration est aussi maitrisée que la mise en scène, et en laissant cette dernière s'occuper de la majeure partie de l'histoire à elle toute seule, Argento laisse paradoxalement une encore plus grande place à l'intrigue. Cette banale histoire de sorcières préserve alors un sens du mystère exceptionnel et est intriguante du début à la fin... Si ce serait mentir que de dire qu'elle reste toujours imprévisible, tant les visuels sont évocateurs, et ce dès le début, de ce que l'on va voir, l'histoire de ce SUSPIRIA reste prenante et immersive, et demeure suffisamment intriguante pour garder le spectateur sur les nerfs pendant une heure et demi. Le tout est d'autant plus exceptionnel que les réponses souhaitées ne sont jamais réellement apportées, pour notre plus grand plaisir, tant cela laisse de place à l'interprétation et à l'imagination, qui ici joue également un rôle important dans la réception de la peur. En effet, ce qui fait de SUSPIRIA un film si terrifiant, c'est que la peur y est constamment invisible : on ne sait jamais d'ou elle va sortir, ni quand, ni comment, et rien ne peut être prévu. La démarche est d'autant plus prodigieuse qu'elle fonctionne pendant l'intégralité du film et gagne même en intensité au fur et à mesure que celui-ci avance. SUSPIRIA est terrifiant, et cela se voit sur le visage des actrices, qui n'y vont pas de main morte et se donnent corps et âme a leurs performances, et apportent un dernier atout de taille à ce qui est l'un des plus grands films des années 70.

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SUSPIRIA est un film exceptionnel, mais c'est également, et surtout, un film d'une importante majeure qui a réinventé de bout en bout un genre alors à son apogée et qui continue d'influencer de nombreux cinéastes, encore aujourd'hui. En même temps, qu'y a t-il d'étonnant, face à cette démonstration de maîtrise et de beauté visuelle? SUSPIRIA est une oeuvre aussi novatrice et originale qu'elle est magnifique pour la vue et l'ouïe, et en plus, elle se range très facilement parmi les films les plus terrifiants jamais réalisés. Au-delà de l'investissement évident de Dario Argento dans ce film, on sent aussi un véritable génie dans la création d'ambiance et dans la narration. Toutes deux sont exceptionnelles et reposent constamment l'une sur l'autre, menant à une symbiose incroyable entre ce qui est vu et ce qui est raconté, qui se confondent aussi pour renforcer l'immersion auprès du spectateur, le prendre encore plus au dépourvu et lui envoyer un uppercut a travers la tronche d'autant plus fort qu'il est alors bien plus terrifiant et puissant. SUSPIRIA est une oeuvre majeure, autant d'un point de vue historique qu'artistique. C'est un chef d'oeuvre que seuls les très grands maîtres de l'horreur peuvent se vanter d'avoir surpassé, et encore. C'est le chef d'oeuvre de Dario Argento, c'est indiscutable, et si vous êtes encore la à lire cette critique, c'est que vous n'avez rien compris... Si vous n'avez jamais vu SUSPIRIA, vous n'avez rien vu.

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-ZE RING-

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21 novembre 2012

SEX AND FURY

Jaquette
RÉALISÉ PAR | NORIFUMI SUZUKI.
ÉCRIT PAR | NORIFUMI SUZUKI, MASAHIRO KAKEFUDA ET TARÔ BONTEN.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | ICHIRÔ ARAKI.

REIKO IKE | Ocho.
CHRISTINA LINDBERG | Christina.
TADASHI NARUSE | Shunosuke.

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Ca fait six mois que sur ZE LORD OF THE RING, le cinéma hong-kongais a eu une place d'honneur. Aujourd'hui, ce dernier se fait détroner. Il est en effet temps de parler un peu d'autre chose et le cinéma d'exploitation japonais n'étant absolument pas représenté sur ce blog... Pourquoi pas celui-la? Et on commence d'ailleurs en force avec l'un des meilleurs films que le cinéma d'exploitation nippon ait produit : bien meilleur que la saga subversive HANZO THE RAZOR, bien plus beau que la saga culte BABY CART, et sans doute au moins aussi magnifique les deux premiers volets de LA FEMME SCORPION... Je parle bien évidemment du superbe SEX AND FURY, grand film s'il en est, mais qui ne manquera néanmoins pas de diviser. Rien d'étonnant en soi, si l'on part du principe que cette oeuvre du grand Norifumi Suzuki (a ne pas confondre avec Seijun Suzuki, autre réalisateur japonais bien niqué du cerveau) est aussi réussie artistiquement qu'elle est racoleuse. Ainsi, la ou certains y verront un spectacle déviant et pervers pour des spectateurs tout aussi déviants, d'autres y verront, à juste titre en ce qui me concerne, une oeuvre atypique certes mais d'une grande qualité artistique et d'une grande importance. Quelques explications...

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En effet, si le cinéma d'exploitation japonais n'a jamais été connu pour sa subtilité, il l'a cependant toujours été, tout comme les réalisateurs qui le représentent, pour sa capacité et sa propension a faire se cotoyer judicieusement le racolage le plus fou avec l'esthétique la plus magnifique artistiquement. SEX AND FURY ne fait pas exception, et si Suzuki ne rate jamais une occasion de rajouter une scène de cul au milieu de son film, il ne rate jamais l'occasion non plus de filmer celles-ci avec grâce et poésie. Le générique, dans lequel Reiko Ike se tient, un sein dévêtu, un sabre a la main, au milieu d'un décor baroque plein de couleur, est fort représentatif de cette volonté de faire une oeuvre d'exploitation s'assumant entièrement comme telle et surfant totalement sur les tendances de l'époque, tout en imposant des canons esthétiques d'une rare beauté. Ce n'est pas un hasard, d'ailleurs, si les deux actrices principales sont deux des plus belles actrices de leur temps. C'est au contraire un choix qui continue d'inscrire SEX AND FURY dans une logique toute aussi racoleuse qu'elle est esthétique. Pour cette raison, impossible d'être surpris par les propos de ceux qui n'ont pas compris l'intérêt d'une telle oeuvre, mais pour autant, s'arrêter à cela est une vilaine erreur dans le sens ou c'est aussi passer a côté de l'une des plus belles oeuvres jamais réalisées. Suzuki s'y déchaine et se laisse aller à toutes les exubérances : décors baroques, couleurs chaudes a foison, éclairages vifs, bastons sanglantes et ralentis lyriques... Impossible de ne pas voir derrière ce déchainement de beauté visuelle l'influence évidente du giallo italien, que ce soit au travers des éclairages dignes d'un Dario Argento ou de l'érotisme constamment présent évoquant inévitablement des oeuvres telles que LIZARD IN A WOMAN'S SKIN. Suzuki pousse ses influences a bout, en particulier de l'érotisme, qu'il filme avec une grâce inégalée mais qu'il intègre également a la narration avec brio. Dans SEX AND FURY, comme l'indique le titre, le sexe procure autant de plaisir que de douleur, arme grâce à laquelle les femmes peuvent imposer leur puissance sur les hommes, dont le contrôle sur ces dernières est limité dès lors qu'il concerne la sexualité. Les personnages d'Ocho et de Christina sont tous deux très représentatifs du propos du film, l'une utilisant a son avantage cette dernière pour se venger des meurtriers de son père et l'autre se montrant complètement insensible aux punitions sexuelles que lui infligent la société machiste dans laquelle elle vit. Impossible de ne pas voir dans SEX AND FURY un propos profondément féministe, qui n'est d'ailleurs pas sans évoquer les deux chefs d'oeuvres de Shunya Ito (LA FEMME SCORPION & ELLE S'APPELAIT SCORPION).

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Dans un film ou le corps et la chair sont autant des dispositifs de plaisir qu'ils peuvent être des armes (une fois de plus, le générique préfigure également cet aspect du film), il n'y a rien d'étonnant a les voir si ouvertement filmés, sans aucun complexe ou timidité, d'autant plus que le genre lui-même l'exige. Néanmoins, si l'on pourrait voir un défaut au film dans ces scènes érotiques fréquentes et parfois a la limite un vulgos, c'est en réalité la grande force de SEX AND FURY, puisque Norifumi Suzuki les magnifie au travers d'un traitement tantôt poétique du sexe, tantôt très brutal. La mise en scène virtuose de ce dernier met clairement en valeur chaque aspect du sexe mis en évidence par le film. Ainsi, même les scènes de viol les plus terribles sont montées autour d'une musique agréable et poétique. Voir derrière une scène de ce type de la perversion et de la bétise serait facile, mais en réalité, ce traitement du sexe témoigne au contraire d'une volonté de revaloriser la femme dans une société profondément machiste. Celles-ci ont un pouvoir incommensurable sur les hommes et les tiennent par les couilles dès lors que le sexe est impliqué, mais impossible de ne pas y voir aussi une volonté de revaloriser le sexe lui-même. N'oublions pas que nous sommes au Japon en 1973, et qu'a l'époque, le sexe est la-bas le tabou ultime et est sujet à des règles (implicites) rigoureuses, ainsi impossible de ne pas voir derrière SEX AND FURY (et tout un pan du cinéma japonais) une volonté d'assouplir ces mêmes règles (tout en racolant un maximum, oui le cinoche d'exploitation nippon est fait de paradoxes), même si en même temps il est difficile de ne pas y voir aussi l'oeuvre de toute une bande de frustrés (mais ce n'est rien a côté de la cultissime saga HANZO THE RAZOR). Cette volonté de réformer la société japonaise en revalorisant la place de la femme et du sexe se manifeste également par la place de celui-ci dans la narration, qui avance quasiment exclusivement jusqu'a son standoff final sanglant grâce à celui-ci. En faisant de celui-ci une part intégrante de la narration, la volonté de l'équipe responsable de SEX AND FURY est très clairement posée... Mais soyons honnêtes, ce n'est pas pour l'intelligence et l'audace de son propos que l'on regarde un film SEX AND FURY mais davantage pour voir des gens se bastonner, des femmes nues et une histoire viscérale se dérouler... D'une certaine façon, ceux qui considèrent les amateurs de cinéma d'exploitation n'ont pas tort : nous sommes des geeks un peu pervers peut-être mais en ce qui me concerne je jetterais 20 ANTICHRIST pour un SEX AND FURY. Les deux films sont similaires : ce sont des monuments de racolage et de provocation, la différence c'est que l'un se cache derrière des pseudo-réflexions intellectuelles la ou l'autre assume entièrement son statut de film d'exploitation vulgaire pour livrer un propos pas si con que ça déja, mais aussi pour faire preuve de talent et de générosité.

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En effet, a partir du moment ou vous mettez SEX AND FURY dans votre lecteur DVD, préparez-vous à une heure et demi des plus généreuses. Les bastons barbares s'enchainent a un rythme infernal qui n'a d'égal que celui auquel s'enchainent les scènes érotiques stylisées, le tout avec un enthousiasme évident de la part de son réalisateur. Le film est un monument de fun, qui, malgré sa noirceur, divertit de bout en bout, notamment grâce à son rythme non-stop et frénétique. Les choses s'enchainent avec une vitesse incroyable mais toujours avec soin. Suzuki privilégie en effet la précision a la précipitation et transcende chacune de ses scènes grâce à sa mise en scène, tout bonnement incroyable. On compte d'ailleurs dans SEX AND FURY une des plus belles scènes de bastons au sabre jamais réalisées, d'un lyrisme incroyable, qui en plus d'être esthétiquement incroyable préfigure le cultissime LADY SNOWBLOOD avec quelques mois d'avance et le très référentiel KILL BILL avec 30 ans d'avance... Un prodige? Carrément oui, mais cela ne fait qu'illustrer le talent visionnaire d'un réalisateur de grand talent, qui s'il n'a pas eu la carrière qu'il méritait, est quand même le responsable de nombreux classiques (LE COUVENT DE LA BÊTE SACRÉE, SHAOLIN KARATÉ... Que je n'ai a mon regret pas vus.). Son talent visuel explose littéralement ici. De la gestion de l'espace à la façon dont la chair et le sang y sont mélangés pour mieux être stylisés et magnifiées, le film de Norifumi Suzuki s'impose très vite comme une oeuvre non seulement exemplaire mais aussi exceptionnelle dans la mesure ou, par son audace et son originalité, elle constitue une avancée artistique considérable, et si beaucoup de culs serrés prétendant représenter l'intelligencia crachent a la gueule de tels films, finalement, qu'est-ce qu'on a a foutre? Les faits sont les mêmes et qu'ils crachent dessus ou non, SEX AND FURY reste aussi magnifique qu'il l'a toujours été, par ailleurs soutenu par un casting excellent. Reiko Ike et Christina Lindberg y sont magnifiques (dans tous les sens du terme) et donnent vie avec brio a leurs personnages, magnifiquement écrits et constamment magnifiés par la caméra de Suzuki, elle-même soutenue habilement par une bande originale orchestrée d'une main de maître par Ichirô Araki (qui avait déja travaillé avec Norifumi Suzuki sur CARESSES SOUS UN KIMONO.).

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SEX AND FURY est un chef d'oeuvre, tout simplement. On fait difficilement plus racoleur, certes, mais en soi, peu importe, on fait difficilement plus beau aussi et c'est ce que les détracteurs de tout le pan du cinéma qu'il représente semblent volontairement oublier. Pourtant, à bien des égards, SEX AND FURY est une oeuvre majeure, au propos féministe fort et a l'audace incroyable. Subversif, SEX AND FURY peut prétendre l'être et ce sur bien des points, notamment dans la mesure ou son propos va complètement à l'encontre de tout un aspect de la société japonaise, à savoir le sexe et les tabous rigides qui l'entourent. Pour autant, ce qui nous marquera le plus dans ce grand film de Suzuki, c'est sa beauté visuelle et la grâce de la mise en scène, qui renvoie autant au cinoche d'exploitation italien qu'elle préfigure de nombreux films contemporains. Suzuki magnifie chaque plan, fait preuve d'une maîtrise technique irréprochable et poétise constamment la violence et le sexe avec un talent quasiment jamais égalé dans le genre. Rajoutez à cela deux actrices principales de toute beauté, des personnages haut en couleur et un protagoniste féminin badass a souhait, et vous tenez un chef d'oeuvre, tout simplement. Un classique a voir absolument!

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  • LA FEMME SCORPION de Shunya Ito.
  • ELLE S'APPELAIT SCORPION de Shunya Ito.
  • LADY SNOWBLOOD de Toshiya Fujita.
  • LADY SNOWBLOOD 2 : LOVE SONG OF VENGEANCE de Toshiya Fujita.
  • HANZO THE RAZOR : SWORD OF JUSTICE de Kenji Misumi.
  • HANZO THE RAZOR II : L'ENFER DES SUPPLICES de Yasuzo Masumura.
  • HANZO THE RAZOR III : LA CHAIR ET L'OR de Yoshio Inoue.

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