MEAN STREETS
RÉALISÉ PAR | MARTIN SCORSESE.
ÉCRIT PAR | MARTIN SCORSESE ET MARDIK MARTIN.
PRODUIT PAR | JONATHAN T. TAPLIN
HARVEY KEITEL | Charlie
ROBERT DE NIRO | Johnny Boy
AMY ROBINSON | Teresa
DAVID PROVAL | Tony
RICHARD ROMANUS | Michael
CESARE DANOVA | Giovanni
En 1973, à New York, a Little Italy, Johnny Boy et Charlie, des malfrats à l'affut de combines louches, côtoient les mafiosi qu'ils envient. Pour accéder au haut du pavé, une règle impérative : respecter la loi d'honneur du milieu. Charlie, lui, a ses chances, car il a un oncle mafieux. Mais le problème se pose pour Johnny, un bagarreur inconscient, et surtout, criblé de dettes...
Raaah, MEAN STREETS... Ce film que, fut un temps, je considérais comme le film le plus mauvais de Martin Scorsese. Et oui, à l'age de 14 ans, j'ai vu ce film et j'ai détesté! Mais une maturité cinématographique ça se forme et après deux ans passés à revoir le film plus ou moins régulièrement et à l'apprécier plus à chaque vision, je peux désormais affirmer une chose : non seulement ce film à révélé Martin Scorsese, Harvey Keitel et Robert De Niro, mais c'est également un des plus grands chefs d'oeuvres de Scorsese, inutile de dire qu'une fois que j'ai dit ça il est clair que MEAN STREETS vaut le détour. D'entrée de jeu, MEAN STREETS témoigne d'une grande intelligence de la part de son créateur, en effet, par son générique, jouissif au demeurant et porté par une musique terrible des Ronettes, Scorsese présente tous ses personnages et tous les aspects de son oeuvre, Scorsese, dès le départ, pose ses obsessions sur pellicule et de ce point de vue, MEAN STREETS est une de ses oeuvres les plus importantes. En effet, si Scorsese est bien connu pour se spécialiser dans les films de gangsters n'est pas un hasard, premièrement parce qu'il à tout de même réalisé, avec Francis Ford Coppola, les meilleurs films du genre (Les affranchis et Casino pour les très incultes.), mais surtout parce que toute la filmographie du monsieur tourne autour du même thème sous-jaçent : la déconstruction du mythe américain de par l'utilisation de figures symboliques autodestructrices. Pour sa première incursion majeure dans le monde du 7ème art, Scorsese choisit les gangsters comme figures symboliques, mais contrairement à Casino et Les affranchis, il ne réalise pas un film de gangsters dans la pure tradition du genre mais plutôt un drame, qui tourne davantage autour des obsessions et des ambitions d'un même personnage qu'autour de l'ascension d'un criminel renommé.
Des figures autodestructrices symboliques, il y en a deux ici : Charlie (Harvey Keitel), dont l'oncle est un mafieux qui s'empêche lui-même d'atteindre ses objectifs en transgressant les règles qu'impose plus ou moins son oncle (Cesare Danova), et Johnny Boy (Robert De Niro), fouteur de merde endetté et un peu schtarb sur les bords, qui, forcément, attire toutes les emmerdes possibles et imaginables. De par ces deux figures symboliques, Scorsese déconstruit le mythe du gangster tel qu'il est souvent représenté : dans MEAN STREETS, les gangsters sont des petites frappes, qui se font rouler toutes les cinq minutes (Michael qui se fait vendre des bagues japonaises au lieu de lentilles, ou encore ce même Michael qui se fait voler 20$ par deux trous du cul.) et qui restent dans l'ombre des figures véritablement importantes du milieu : l'oncle de Charlie, par exemple, élément important du scénario tant beaucoup d'enjeux de ce dernier tournent autour de lui, et Mario, joué par un acteur discret mais excellent : Victor Argo. Dans tout ça se trouve une figure également récurrente chez Scorsese : la femme, ici, Teresa (Amy Robinson), est une fois de plus un élément pivotal du scénario. Involontairement manipulatrice, la femme est dans MEAN STREETS un élément pivotal du scénario (comme toujours chez Scorsese), scénario par ailleurs profondément ancré dans la réalité de l'époque tant il traite furtivement de plusieurs des sujets les plus importants des années 70 : justice corrompue/inefficace (Dirty Harry, Serpico, Un justicier dans la ville...), conséquences de la guerre du Vietnam (The Deer Hunter...), le racisme (Et la j'aurai bien dit Mississipi Burning mais 1988 c'est pas tellement les années 70...), rajoutez à cela que Scorsese aborde tranquillement une de ses plus grandes obsessions : la religion catholique (Scorsese, avant de faire du cinéma, voulait devenir prêtre), le film vire par ailleurs limite à la subversion puisqu'ici , L'Eglise est violemment critiquée par certains personnages qui la considèrent comme un business (et c'est pas moi qu'irait dire le contraire)... Bref, MEAN STREETS est un film complet thématiquement, à tel point qu'il est difficile de tout aborder en quelques lignes.
(De gauche à droite : David Proval, Robert De Niro, Harvey Keitel et la queue de billard ainsi que le gros bide de George Memmoli.)
Toute cette maitrise thématique témoigne des talents d'écriture des deux scénaristes du film, c'est-à-dire Martin Scorsese lui-même et un autre, moins connu mais qui à également scénarisé deux petites perles signées Scorsese, j'ai nommé RAGING BULL et NEW YORK, NEW YORK, Mardik Martin. C'est donc un screenplay et des dialogues de très grande qualité qui sont offerts à l'heureux spectateur (ou pas, j'y reviendrai.) de ce MEAN STREETS. De réplique culte en réplique culte, de scène qui tue en scène qui tue, MEAN STREETS s'impose très rapidement en monument cinématographique de par son écriture, tant quiconque adhère au film ne pourra jamais lui trouver de temps morts, au contraire, chaque instant de ce film est du pur bonheur de par sa construction dramatique parfaite et de par ses dialogues savoureux, soutenus par des acteurs dont on ne dira jamais assez de bien : Harvey Keitel, qui tient ici le rôle principal, mais surtout Robert De Niro, qui va jusqu'a voler la vedette à son ami Keitel. On trouve aussi Amy Robinson (plus une productrice qu'une actrice), Richard Romanus, Cesare Danova et David Proval, quatre acteurs méconnus qui livrent dans ce MEAN STREETS des prestations irréprochables, donnent vie à des dialogues aussi excellents qu'eux et animent le film de manière magistrale. Scorsese fait donc preuve de talents de direction d'acteurs incroyables, talents auxquels il devra beaucoup par la suite tant tous ses films reposent beaucoup sur les acteurs qui les animent, et si ce dernier à toujours été bien entouré (Paul Schrader, Mardik Martin, De Niro, Keitel, Joe Pesci, Leonardo DiCaprio...), il est tout de même bon de préciser que son entourage est toujours meilleur chez lui que chez les autres, ce qui est tout de même assez significatif des talents du bonhomme.
Et puis, comme en témoigne l'image ci-dessus, MEAN STREETS brille également du point de vue visuel : servi par une photographie incroyable et un travail sur les lumières plus qu'honorable, le film enchaine des ambiances travaillées et présente un environnement urbain filmé comme aucun autre : ainsi, si la plupart du temps, New York est filmée comme une ville nocturne et sombre, ses plus étroits recoins semblent tout à fait différents. Le bar de Tony, à titre d'exemple, dispose d'une ambiance assez étrange, assez glauque mais également chaleureuse et agréable dans le même temps, bercé en permanence dans une lumière rouge, puis on retourne dans la nuit et hop, nous voila dans un endroit tout à fait, bercé dans une lumière blanche très acceuillante et agréable, bref MEAN STREETS multiplie les ambiances, la photographie et l'éclairage change toutes les deux secondes, d'une manière qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler TAXI DRIVER... Tout cela sert une mise en scène qui pète à mille coudées au-dessus de nimporte quel cinéaste actuel : Scorsese sert des travellings et des plans-séquences incroyables et chaque plan magnifie les acteurs qui semblent être en parfaite symbiose avec le réal, bref, visuellement MEAN STREETS est une parfaite réussite soutenue par une B.O. incroyable, Scorsese livre une ambiance terrible, ambiance qu'il reproduira dans TAXI DRIVER et qu'il améliorera dans le très électrique et délirant A TOMBEAU OUVERT. MEAN STREETS, par sa mise en scène, est un film intimiste dont les faux raccords dans le montage, tellement nombreux qu'ils semblent volontaires (je ne vois pas d'autres solution) n'entachent jamais la qualité.
Evidemment, les qualités de MEAN STREETS ne s'arrêtent pas la, le film présentant un éventail de personnages étonnant, tous presentés très rapidement dans leurs aspects les plus profonds et efficacement en 2 minutes, même si la manière dont c'est fait n'est pas nécessairement des plus subtiles, puis après Scorsese et Martin prennent leurs temps pour poser leurs enjeux, enjeux tellement nombreux qu'ils poseront problème à beaucoup de gens pour la raison simple que le film semble s'égarer dans ce trop d'enjeux, au contraire, en réalité tous ces enjeux se rejoignent pour n'en créer qu'un : la réussite dans ses objectifs de Charlie, ainsi de par sa construction, MEAN STREETS ressemble limite à une mini-fresque cinématographique. Dans ce nombre important d'enjeux, Scorsese développe néanmoins 5 personnages très intéréssants à partir des bases posées en deux minutes au début du film, détaille absolument tout et livre donc des personnages complets et intéréssants à suivre, malheureusement voila tout le monde n'en sera pas capable pour la raison simple qu'est le sujet, en effet, tout le monde n'aime pas les films sur les gangsters, en témoigne mon ami Sebmagic qui sera très certainement la pour en discuter, il faut adhérer au sujet pour adhérer à MEAN STREETS et c'est ici le problème majeur du film, vous pensez bien que personnellement, je m'en fous, bien que je puisse comprendre la difficulté à adhérer à ce petit chef d'oeuvre!
A mes yeux, MEAN STREETS est un chef d'oeuvre, ni plus ni moins, et s'il n'égale pas la splendeur d'oeuvres comme CASINO, LES AFFRANCHIS ou TAXI DRIVER, MEAN STREETS, dans la filmo de Master Scorsese, se range au moins au niveau de perles monstrueuses comme RAGING BULL ou SHUTTER ISLAND, et ca, ça fait plaisir! Un film à voir pour tout aficionado de Scorsese et même pour tout le monde en fait, tant c'est une oeuvre majeure pour le 7ème art et un film important dans la filmo du bonhomme... Un indispensable en somme.
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-ZE RING-
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