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ZE LORD OF THE RING
ZE LORD OF THE RING
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Derniers commentaires
16 février 2013

L'ÉCHELLE DE JACOB

Jaquette
RÉALISÉ PAR
|
ADRIAN LYNE.
ÉCRIT PAR | BRUCE JOEL RUBIN.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | MAURICE JARRE.

TIM ROBBINS | Jacob Singer.
ELIZABETH PENA | Jezzie.
DANNY AIELLO | Louis.

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Avec L’ECHELLE DE JACOB, on touche à une sorte de cauchemar que peu de films ont réussi à aussi bien maîtriser. Underground, toujours à la frontière du propos politique, sans espoirs, L'ÉCHELLE DE JACOB est une plongée sans concession dans l'horreur, réussissant haut la main là où HELLRAISER 5 échouait.

4
Il est vraiment rare d'être confronté à un film aussi obsédant et aussi manipulateur, car si il pose toujours des contextes très précis (il façonne parfaitement ses personnages malgré la narration très aléatoire du film), il les fait toujours évoluer vers des ambiances malsaines, infernales, et tant ainsi à rejoindre le cinéma Lynchien en utilisant un imaginaire rappelant PINK FLOYD'S THE WALL (essentiellement pour les visages aux traits effacés). Chaotique, le film l'est sur bien des aspects, puisqu'à chaque fois qu'il commence une nouvelle étape de son récit, il brouille un peu plus nos repères, nous faisant évoluer constamment dans un inconnu agressif, où la menace est invisible, mais qui s'incarne toujours peu à peu pour nous livrer de véritables visions cauchemardesque (la séquence de la soirée est l'une des plus marquante, où un monstre reptilien apparaît carrément au milieu du piste de danse pour "posséder" la femme de Singer). Pourtant, le film commence par une escarmouche au Viet Nam, montrant notre personnage principal subir un assaut des viet congs alors que la moitié des hommes sont en train de péter un câble. Une scène de folie qui rappelle immédiatement APOCALYPSE NOW, sans la gradation dans la folie (ici, elle est directement balancée à la face du spectateur). Alors que l'horreur est ici bien réelle (et complètement réaliste), on retrouve notre personnage de retour au pays (il y a une absence totale de repères temporels, un façon pour le film de brouiller davantage les pistes). Il s'est remarié, son ancienne femme l'a quitté suite à la mort de leur enfant. Et c'est pendant son travail que des visions commencent à l'assaillir. Après une troublante expérience dans le métro (pure vision d'angoisse) et de mystérieux poursuivants aux traits effacés, notre personnage est de plus en plus ébranlé sur sa santé mentale. On suit alors son quotidien, qui se révèle de plus en plus altéré, et régulièrement traversé d'ellipses qui viennent morceler la trame et semer le doute. L’ECHELLE DE JACOB n'a rien d'un film linéaire, il fragmente pour mieux nous perdre au milieu des morceaux de son histoire.

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Le médecin de Singer (seul personnage toujours vu positivement, veuillez noter le grand nombre de plan qui le filment en contrejour d'une source lumineuse façon ange) disparaît du jour au lendemain, son entourage devient menaçant (sa femme prend les traits d'un démon, le plonge dans un bain de glace pour faire baisser une fièvre (en ayant l'air de l'aider, elle semble aggraver volontairement la situation)...), et il est de plus en plus convaincu que quelque chose s'est passé pendant son service au Viet Nam. Retrouvant alors ses anciens frères d'armes, il tente de lancer une enquête pour confirmer ses soupçons. Et le cauchemar prend un nouveau tournant. Il devient juridique (tous les hommes de lois se retournent brutalement contre Singer), et affectifs (tous les anciens du front disparaissent ou le méprisent). Le cauchemar évolue sans cesse, et il faudra attendre la toute fin pour avoir une piste pour rationaliser tout ce que l'on vient de voir. Mais l'ambigüité de la narration est sans cesse entretenu par la récurrence des visions du Viet Nam qui montrent Singer en pleine agonie (Hm hmm... Non, ce n'est pas aussi simple) et l'intervention de flash back assez bien pensés viennent densifier cette histoire et donner de l'épaisseur à tous ses personnages, et plus particulièrement à Jacob Singer (Tim Robbins tient là sa meilleure performance avec MYSTIC RIVER), avec qui nous traverseront cet épouvantable quotidien, empli de folie et à la lisière d'une dénonciation tardive du conflit (mais le film n'est clairement pas axé politique, il prend le contexte pour mieux planter ses ambiances de folie envahissante...).

3
Un cauchemar qu'on associe vite à une sorte de purgatoire, sans pour autant céder complètement à un discours religieux. Les symboles sont là, mais jamais le film ne prend un ton prosélyte, et d'ailleurs, le personnage principal n'affiche pas de croyances particulières (il se documente simplement sur des démons). Cette explication un peu basique, permet surtout d'expliquer la narration éclatée du film, confondant les souvenirs et les épreuves jusqu'à ce que ses proches viennent le guider en dehors de son enfer (avec montée d'un escalier vers une lumière aveuglante). Si l'explication est là et a contribué à l'intérêt qu'on a accordé à cette œuvre hors norme, je la trouve un peu rapide, le film étant pour moi une série d'hallucinations d'un homme à l'agonie, que la vie abandonne et toutes les angoisses qui en naissent. Mais un soupçon de mysticisme pour faire gonfler le tout ne peut pas faire de mal. Un chef d'œuvre à part entière, aussi touchant que déstabilisant, toujours cité comme référence d’un petit jeu vidéo prénommé SILENT HILL...

1
SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ...

  • THE MACHINIST de Brad Anderson.
  • PINK FLOYD'S THE WALL d'Alan Parker.
  • ANGEL HEART d'Alan Parker.

-JAMESLUCTOR-

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13 février 2013

A TOUTE ÉPREUVE

A toute épreuve
RÉALISÉ PAR | JOHN WOO.
ÉCRIT PAR | JOHN WOO ET BARRY WONG.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | MICHAEL GIBBS ET JAMES WONG.

CHOW YUN-FAT | Tequila Yuen.
TONY LEUNG CHIU-WAI | Long.
ANTHONY WONG CHAU-SANG | Johnny Wong.
PHILIP KWOK | Mad Dog.
TERESA MO | Teresa Chang.
PHILIP CHAN | Superintendant Pang.

Tequila Yuen, un flic tête brulée, jure de venger la mort de son partenaire et s'allie pour cela à un flic infiltré dans l'organisation du traffiquant d'armes Johnny Wong.

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En 1992, John Woo est dans une sale situation après l'échec radical de son plus gros film en date : UNE BALLE DANS LA TÊTE. Il décide alors de tourner un dernier film avant de s'exiler à Hollywood pour tourner l'affreux mais fun HARD TARGET avec Jean-Claude Van Damme. A la même époque, la rétrocession d'Hong Kong à la Chine se rapproche de plus en plus, et la situation criminelle empire radicalement : des fusillades ont lieu dans lesquelles des innocents sont tués. Enragé par la situation, John Woo, comme à son habitude, décide d'utiliser sa caméra comme catharsis et de balancer tout ce qu'il à a offrir dans un dernier film avant de tirer sa révérence et de partir vers des contrées artistiquement moins riches. Et si la suite lui donna clairement tort, puisque son escapade à Hollywood fut un désastre innomable, il faut être clair : on ne fait pas de meilleur cadeau de départ qu'A TOUTE ÉPREUVE, qui, sans égaler les incursions de Woo dans le film de guerre et dans le polar, THE KILLER et UNE BALLE DANS LA TÊTE, s'impose très rapidement ce qui devient en fin de film une évidence : c'est le film d'action ultime, l'actionner définitif et insurpassable, une oeuvre qui encore aujourd'hui continue d'influencer les plus grands, et à permis a John Woo d'ajouter à son palmarès pour la deuxième fois l'exploit d'avoir démodé tout ce qui se faisait ailleurs en matière d'action d'un coup.

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Aussi étonnant cela puisse t-il paraître, il n'y a en réalité rien de bien surprenant tant A TOUTE ÉPREUVE révplutionne d'un bout à l'autre les codes communément admis du film d'action. Faisant preuve d'une grâce visuelle dont il n'avait jamais fait preuve auparavant, John Woo signe non seulement son film le plus abouti en matière de mise en scène mais pousse aussi son style et son genre, -l'heroic bloodshed-, dans ses retranchements les plus incroyables. Si vous croyiez que LE SYNDICAT DU CRIME et THE KILLER étaient visuellement incroyables, alors sachez que vous n'avez encore rien vu, tant A TOUTE ÉPREUVE s'impose comme l'aboutissement ultime et définitif de toutes les expérimentations visuelles du grand John Woo. Celles-ci sont ici d'autant plus marquantes que Woo les pousse suffisamment loin pour qu'elles soient encore plus éloquentes que n'importe quel dialogue. Un plan suffit ici pour iconiser définitivement un personnage et s'inscrire à long terme dans la mémoire du spectateur, et la manière dont le maître filme ses personnages en dit long sur leurs personnalités et leurs motivations, en plus de magnifier leur charisme et leur présence chaque fois qu'ils apparaissent à l'écran. Racontant son histoire à l'aide de ses visuels, Woo fait aussi évoluer ceux-ci en les faisant sortir des codes esthétiques posés dans THE KILLER. Plutôt que de placer son film dans un contexte baroque, Woo mêle l'éxubérance de sa mise en scène à la violence, la froideur et le réalisme d'une cité en pleine décadence. Les décors y sont poisseux et crades, et lorsqu'ils ne le sont pas, ils sont froids et glauques... L'étonnant mélange entre les maniérismes magnifiques du maître et sa façon singulière de filmer Hong Kong crée une esthétique détonnante, tantôt presque naturaliste pour être à d'autres moments d'un insolite exemplaire, lorsque le film plonge dans des décors à la teinte bleutée déconcertante. A TOUTE ÉPREUVE à été pendant très longtemps le film le plus maîtrisé de John Woo, et pour cause, outre son esthétique, sa maîtrise se ressent également dans le scénario et, c'est une évidence, dans les fusillades.

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Impossible de ne pas parler de John Woo et encore moins d'A TOUTE ÉPREUVE sans parler des fusillades, car ne nous voilons pas la face, on ne regarde pas un film comme A TOUTE ÉPREUVE pour son scénario (même si celui-ci est très réussi, mais j'y reviendrai), mais parce que ça tire dans tous les sens... Ceux qui ne sont pas familiers avec le film vont être servis de ce point de vue, car non seulement ça tire dans tous les sens, mais en plus ça commence dans le feu de l'action et ça s'arrête jamais. John Woo enchaine ici les scènes d'action d'anthologie, qu'il s'agisse de cette fusillade incroyable dans une maison de thé ou la fusillade de 45 minutes dans un hopital, toutes sont filmées avec la même virtuosité, la même fluidité et la même exigeance... Outre son sens du cadre sidérant et sa capacité évidente à former des plans magnifiques, Woo se fait ici maître du montage, en faisant évoluer ses nombreux personnages au milieu de ses scènes d'action spectaculaires sur des plans différents en permanence sans jamais perdre le spectateur... Tout cela, il le doit à sa gestion de l'espace, très rarement surpassée, et à sa maîtrise du rythme. Chaque fusillade, chaque gunfight à son rythme propre et immerge le spectateur dans un véritable ballet de balles ou ça tire en permanence de tous les côtés sans jamais que cela soit too much : tout est parfaitement dosé, et mieux encore, Woo prend son spectateur à contrepied en amenant le climax de chaque scène la ou il n'attend pas, ainsi, si la mythique et culte glissade sur la rambarde de Chow Yun-Fat peut apparaître comme le sommet de la scène en question, il est en fait largement surpassé deux minutes après. Surprenant, A TOUTE ÉPREUVE l'est constamment, notamment grâce aux idées et délires visuels divers mais toujours inventifs et sublimes auxquels s'adonne le grand John pour notre plus grand plaisir de spectateur. D'ailleurs, d'un point de vue strictement sensoriel, A TOUTE ÉPREUVE apparaît comme l'un des films les mieux chorégraphés de tous les temps, et si les personnages se tirent mutuellement dessus à coups de pistolets plus gros qu'eux en faisant exploser la totalité de décors bel et bien modernes, impossible de ne pas penser au wu xia pian et au kung fu pian tant chaque plongeon, chaque saut de côté, chaque acrobatie mise en scène ici est la preuve de la grâce presque martiale du film.

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Cette grâce est toutefois constamment contrebalancée par la brutalité et la violence propre à John Woo, qui livre ici une oeuvre brute et profondément enragée. Si on connait tous le traitement ultra-stylisé de la violence propre à John Woo, on ne peut qu'être surpris lorsque celui-ci se met à descendre sans aucune concession des innocents dans une maison de thé ou à dégommer des infirmières à coups de mitraillette, et en cela, A TOUTE ÉPREUVE s'impose comme l'un des films les plus ultra-violents du maître... Si la plupart de ses précédents films s'échignaient à infliger la violence uniquement à ceux qui étaient profondément impliqués dans les histoires qu'il dépeignait, ici, personne n'est épargné, et si, derrière le meurtre brutal de nombreux innocents, il ne semble n'y avoir que de la vacuité, chaque plan est en fait le témoin direct de la rage envers le crime organisé et les Triades qu'animait alors John Woo. Assurémment subversif, A TOUTE ÉPREUVE est d'autant plus brutal qu'il tranche radicalement avec les autres films de John Woo dans la mesure ou le côté shakespearien et romancé qui en étaient la grande marque est ici presque totalement absent et laisse davantage la place à la démonstration pure et simple de toute la brutalité d'une époque... Pour autant, ce qui demeure le plus intéréssant ici c'est la manière dont Woo dépeint et stylise la violence avec beauté et exubérance. Il est juste de parler pour ce film de chorégraphie de la violence, tant chaque tir et chaque mort est "sublimé" a grands coups de ralentis et de jeux de montage, sans pour autant perdre leurs dimensions profondément viscérales et leur violence. Celle-ci à d'ailleurs un rôle très important dans le film dans la mesure ou c'est constamment à travers les scènes d'action que les personnages évoluent en même temps que l'histoire. Les épreuves physiques qu'endurent les personnages poussent en permanence le film vers l'avant, jusqu'a un climax ou tous reviennent soit profondément changés soit ne reviennent pas du tout.

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Et c'est bel et bien en ce sens qu'A TOUTE ÉPREUVE est une baffe technique et visuelle. John Woo y renouvelle tellement bien les codes du genre qu'il investit et pousse sa mise en scène tellement loin qu'il est capable de supplanter presque tous les moyens de narration classique, -a savoir la grande majorité des dialogues-, par des scènes visuellement spectaculaires, mais aussi par conséquent de livrer une oeuvre plus mature. Le fort de John Woo n'est pas les dialogues, et ceux-ci, dans certaines de ses précédentes oeuvres, sont parfois assez naïfs et à la limite de la niaiserie. Ce n'est aucunement le cas ici, dans l'image prend le pas sur la parole, parfois au risque de prendre le pas sur l'histoire et le scénario... Et malheureusement, c'est bien ce qui arrive, car si A TOUTE ÉPREUVE est bel et bien une baffe absolue, il peine à se hisser au niveau des monuments inégalables que sont THE KILLER et UNE BALLE DANS LA TÊTE, notamment parce que le film est hélas loin d'être aussi abouti scénaristiquement qu'il ne l'est visuellement. Si on ne reprochera pas au film la simplicité de son scénario, qui est suffisamment efficace pour qu'on oublie ses tares, il est difficile de ne pas en venir à reprocher au film son manque de véritable souffle épique et sa sécheresse émotionnelle... C'est dommage, mais dans le même temps, Woo signe un film d'une complexité rare, en abordant avec classe et virtuosité des sujets aussi complexes que la double identité et amenant avec plus de maturité les amitiés viriles à la Chang Cheh qui lui sont si chères. Pourtant, malgré ces qualités objectives évidentes, la déçeption à ce niveau est bien là : A TOUTE ÉPREUVE n'agit bel et bien pas comme une baffe émotionnelle, et ce, en dépit des acteurs, qui font un travail incroyable sur leurs personnages en plus de faire preuve d'un charisme rarement égalé (Chow Yun-Fat vole la vedette, comme d'habitude, Tony Leung est sidérant, quand à Anthony Wong et Philip Kwok, ils composent deux badass mother fuckers d'anthologie comme on les aime). Le film n'est jamais touchant d'une quelconque façon, et c'est bien dommage.

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Pourtant, peut-on décemment reprocher à un grand réalisateur d'évoluer comme il le devrait? UNE BALLE DANS LA TÊTE était lui-même bien moins romancé que LE SYNDICAT DU CRIME et THE KILLER, et, en ce sens, on peut bel et bien voir une évolution logique et inévitable au sein de l'oeuvre de Woo avec A TOUTE ÉPREUVE. Il semble en plus clair que l'ambition de ce dernier avec ce film n'était pas de toucher à l'émotion, mais plutôt de déchainer sa rage dans un monument visuel filmique, de donner tout son génie au genre qu'il avait fondé avant de passer définitivement à autre chose, Woo n'étant jamais revenu à l'heroic bloodshed. A TOUTE ÉPREUVE est d'ailleurs l'un des derniers films du genre, et paradoxalement, c'est la dernière grande évolution que celui-ci ait vécu... Et, en quelque sorte, ne peut-on pas voir dans ce film un véritable chant du cygne du genre? Ne peut-on pas voir dans ces figures qui n'ont d'héroïque que leurs ambitions (Tequila est l'équivalent chinois de l'inspecteur Harry et Long, en tant qu'infiltré, doit tuer des innocents) la déchéance du genre en plus de sa dernière évolution marquante? Pour toutes ces raisons, les quelques reproches que je peux faire à A TOUTE ÉPREUVE sont pour moi tout à fait insignifiants, d'autant plus que ce que le film manque en souffle épique et en émotion, il le rattrape en spectacle, en divertissement, et en génie visuel quasi-orgasmique.

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A TOUTE ÉPREUVE
est le film d'action définitif. John Woo y fait preuve d'un génie visuel et d'une propension à innover sans jamais de faire concession qui n'a jamais été égalée par l'avenir. Avec TIME AND TIDE, A TOUTE ÉPREUVE s'impose comme le chant du cygne du polar hong-kongais et de l'heroic bloodshed, un genre qui, malgré toutes ses qualités, n'a réellement vécu que 6 ans au travers d'une figure importante : John Woo, qui est ensuite parti aux Etats-Unis ou sa carrière à été littéralement sabordée. Quel dommage, surtout quand on pense à tout ce que le cinéma hong-kongais avait à offrir : de l'inventivité artistique, de l'émotion, et de la générosité à foison. Ce cinéma est désormais fini, en dépit des efforts de réalisateurs comme Tsui Hark pour le ressusciter, et c'est bien dommage. Personne n'a jamais fait mieux que les hong-kongais dans les genres qu'ils ont investi par la suite, et si on a maintenant accès à bon nombre de leurs films, malgré cela, ce cinéma me manque. Dans tous les cas, A TOUTE ÉPREUVE est un indispensable, un film que tout cinéphile se devrait de voir et de posséder, une oeuvre majeure qui va révolutionner votre vision du cinéma d'action et qui va surtout vous exploser les rétines. Un plaisir sensoriel rarement surpassé. Un chef d'oeuvre.

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-ZE RING-

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10 février 2013

UNE BALLE DANS LA TÊTE

Jaquette
RÉALISÉ PAR
|
JOHN WOO
.
ÉCRIT PAR | JOHN WOO, PATRICK LEUNG ET JANET CHUN.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | JAMES WONG ET ROMEO DIAZ.

TONY LEUNG CHIU WAI | Bee.
JACKIE CHEUNG | Fai.
WAISE LEE | Wing.
SIMON YAM | Lok.
FENNIE YUEN | Jane.
YOLINDA YAM | Yan Sau Ching.

En 1967, trois amis d'enfance fuient Hong Kong après avoir tué involontairement un chef de gang et tentent de faire leur fortune au Viet-Nam.

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Ca fait un bout de temps que je veux réécrire certaines de mes chroniques. En l'occurence, il m'a toujours semblé que John Woo a sur ce site toujours souffert d'une grande injustice : ses oeuvres sont reléguées au second plan, celles-ci ayant été chroniquées dès la création du blog, et surtout, les articles qui leurs sont destinés manquent clairement de maturité et d'analyse cinématographique. Ce n'est pourtant pas faute de vénérer littéralement le bonhomme, qui est ni plus ni moins que mon deuxième réalisateur hongkongais préféré, juste derrière Tsui Hark, et ceux qui connaissent ma passion immodérée pour le cinéma hong-kongais des années 80 et 90 savent ce que cela signifie. John Woo est un très grand réalisateur, et les grands réalisateurs méritent des critiques toutes aussi géniales. Et si je ne pense pas être un critique génial, je vais néanmoins tenter de vous donner envie de jeter un coup d'oeil a un film bien injustement ignoré : UNE BALLE DANS LA TÊTE, chef d'oeuvre maudit et injustement mal aimé de John Woo... Mais aussi son plus grand film. Un film que je regarde en boucle depuis que j'ai 9 ans et qui, même maintenant, se range haut la main dans mes 10 "all time favourites".

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Un peu d'histoire pour commencer. En 1986, John Woo s'est heurté à plusieurs reprises, déjà, à la rigidité de l'industrie cinématographique hong-kongaise de l'époque. Il est coincé dans un schéma artistique qui ne lui plait pas, puisqu'en tant que réalisateur pour la Golden Harvest, il est contraint de réaliser de nombreuses comédies dans lequel il ne parvient pas à imposer son style, ainsi qu'un film de guerre, LES LARMES D'UN HÉROS, dans lequel il balance toutes ses frustrations de l'époque, elles-mêmes atténuées par les studios, qui imposent à un autre réalisateur d'ajouter au film des scènes de sexe inutiles et des passages comiques d'un faible niveau. A cette époque, la créativité de John Woo est au plus bas, mais c'est à la même époque qu'il rencontre Tsui Hark, qui est au même point : de tous les films qu'il à fait, malgré leur qualité, tous ont méchamment bidé. Hark prend néanmoins John Woo sous son aile, dans son studio, le FILM WORKSHOP, ou il réalise LE SYNDICAT DU CRIME, film fondateur de l'heroic bloodshed qui va a lui seul révolutionner et rendre célèbre d'un point de vue international le cinéma hong-kongais. Les deux grands fous que sont Woo et Hark continuent leur collaboration, jusqu'a ce que Woo arrive un jour avec l'idée à la base d'UNE BALLE DANS LA TÊTE... Tsui Hark lui pique comme un malpropre, et avec cette dernière, réalise LE SYNDICAT DU CRIME 3. John Woo coupe tout lien et interrompt sa collaboration avec Tsui Hark, mais son envie de réaliser UNE BALLE DANS LA TÊTE et son ambition est plus grande que jamais. Après les succès du SYNDICAT DU CRIME 1 & 2, John Woo a le champ libre pour faire ce qu'il veut. Il met donc au point un projet colossal : un film de 3 heures sur la guerre du Viet-Nam, comportant également un aspect très personnel pour John Woo, puisqu'il y aborde son enfance difficile à Hong Kong et la misère qui y régnait à cette époque. Tout laisse alors présager un chef d'oeuvre, jusqu'aux premières projections du film... C'est un échec MONUMENTAL.

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La raison est simple : UNE BALLE DANS LA TÊTE aborde de manière très frontale la violence des manifestations pour la paix au Viet-Nam, et celles-ci ne sont pas sans évoquer, pour le public hong-kongais, les massacres de la place Tian'anmen, survenus un an avant la sortie du film. Le film est un énorme échec, et John Woo est contraint de remonter son film... Avec l'aide improbable de 12 monteurs, il raccourcit son film d'une heure, mais le remontage est une catastrophe et la version originale part aussitôt a la poubelle. On ne la verra donc malheureusement jamais, et nous devrons donc nous contenter de la version de 2 heures actuellement disponible en DVD (le DVD n'est d'ailleurs pas très beau, mais c'est sans doute plus un problème de copie qu'autre chose... Les hong-kongais et la conservation des films, ça n'a jamais fait bon ménage.). Le résultat est un chef d'oeuvre raté. Un film qui aurait pu être bien mieux, et qui est bourré de failles : des passages manquent, des faux raccords s'y trouvent (c'est inévitable quand on découpe un film comme ça)... Tout chef d'oeuvre raté qu'il est, UNE BALLE DANS LA TÊTE reste néanmoins un vrai chef d'oeuvre, un film dont l'ampleur n'est même pas étouffée par son remontage, dont la puissance émotionnelle est toujours intacte et qui témoigne d'une maîtrise formelle que peu de réalisateurs peuvent prétendre avoir. N'écoutez pas la majorité : aussi magnifique soit-il, THE KILLER, souvent considéré comme le chef d'oeuvre de John Woo, se fait exploser sur place par UNE BALLE DANS LA TÊTE, un grand film, qui, malgré sa production difficile, se range haut la main au côté des chefs d'oeuvres du film de guerre comme APOCALYPSE NOW, CROSS OF IRON ou THE DEER HUNTER.

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UNE BALLE DANS LA TÊTE
est d'ailleurs à bien des égards un remake à peine déguisé de ce dernier. Seulement, la ou Michael Cimino abordait la guerre de manière très intimiste, et proposait une étude psychologique poussée de ses personnages, John Woo préfère livrer une oeuvre épique et très shakespearienne, s'inspirant autant d'HAMLET que des oeuvres épiques de Sam Peckinpah et de Chang Cheh. Ainsi, John Woo tranche ici clairement avec la subtilité inhérente aux grands films du genre en proposant un regard baroque, parfois même excessif sur la guerre du Viet-Nam et sur l'influence de cette dernière sur les rapports humains. Dans THE KILLER et LE SYNDICAT DU CRIME, Woo proposait un regard très romancé sur l'amitié et la loyauté, que même la violence et la mort ne pouvaient pas briser, mais dans UNE BALLE DANS LA TÊTE, il démolit littéralement l'amitié et va donc la ou on ne l'attend pas. Partant d'un récit d'amitié extrêmement romancé, John Woo brise ensuite toutes les illusions naïves d'un coup pour confronter ses personnages à la dureté de la réalité et de la vie. Le monde est en plein chaos, et c'est une période de trouble social pour tout le monde, et Woo n'hésite pas à le montrer frontalement et sans concession... Ceux qui le pensaient naïf et niais seront ici surpris tant UNE BALLE DANS LA TÊTE transpire la noirceur, le nihilisme, mais c'est aussi un film qui brille par le réalisme de son fond. Si la forme est baroque, folle et excessive à souhait, le fond, lui, reflète avec force l'horreur et la violence humaine ainsi que le chaos social qui secoue nos sociétés depuis des siècles, le même chaos dans lequel les personnages principaux du film évoluent constamment, dont ils sont autant les victimes que les acteurs, et qui finissent inévitablement par être influencé par le manque de société convenable qui les entoure... Les séquelles sont physiques et morales, mais aucun ne revient le même des épreuves présentées ici, même les personnages les plus forts et les plus préparés à ce qui les attend.

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N'épargnant rien à ses personnages, UNE BALLE DANS LA TÊTE se présente dès le départ comme une expérience viscérale mais surtout comme une baffe émotionnelle d'une rare intensité. Outre la violence et la noirceur de son propos, le film s'impose comme une oeuvre véritablement bouleversante de par son aspect très shakespearien. L'amitié étant ici la valeur fondamentale et primordiale, la seule supposée résister aux atrocités de la guerre et de la violence, le film s'avère être extrêmement émouvant lorsque la trahison s'impose comme la seule capable de survivre et de dominer. Outre la noirceur du propos, UNE BALLE DANS LA TÊTE doit sa puissance émotionnelle à la maîtrise incroyable de John Woo de ses personnages. Ceux-ci peuvent sembler caricaturaux, pourtant, leur portrait est toujours très subtil, cohérent et intelligent. John Woo restant John Woo, néanmoins, impossible de ne pas voir dans les personnages du film des incarnations modernes de véritables paladins ou de chevaliers de wu xia pian, et cela contribue à les rendre tous doublement attachants. Mais ce sont surtout les relations qu'ils entretiennent entre eux qui constituent le coeur émotionnel de l'oeuvre. En effet, tous les personnages sont représentatifs de "l'amitié virile" présenté dans les wu xia pian épiques de l'illustre Chang Cheh, c'est-à-dire que leurs rapports s'apparentent presque à des relations ouvertement homosexuelles, la distinction entre le compagnon d'armes et le compagnon tout court étant, comme d'habitude chez John Woo, extrêmement floue. Une fois de plus, on pourrait facilement voir de la niaiserie et de la naïveté derrière une telle démarche mais en réalité elle témoigne davantage d'une volonté d'amplifier l'épique et le baroque de chaque situation. Toujours est-il que cette dimension quasi-homosexuelle est ici fortement contrebalancée par le personnage de Wing, dont l'évolution dramatique et nihiliste, à défaut d'être subtile, est bien amenée et est surtout déchirante pour le spectateur comme pour les autres personnages. En faisant du pétage de plomb inévitable de ce personnage déséquilibré l'élément central de tension, Woo place d'office son film sous le joug de la fatalité, une fatalité, qui, lors de sa concrétisation physique, risque de vous envoyer une des baffes morales et émotionnelles les plus mémorables que vous vous soyez pris devant un film.

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En effet, à l'aune de sa conclusion (voire avant), UNE BALLE DANS LA TÊTE risque bien de vous bouleverser ou en tout cas de vous marquer durablement, mais cela, le film ne le doit pas uniquement à sa force émotionnelle. Celui-ci ne serait pas le même sans la maîtrise de John Woo, qui signe ici un de ses films les mieux mis en scène. Moins baroque et moins maniériste dans la forme que THE KILLER, UNE BALLE DANS LA TÊTE reste une oeuvre très stylisée qui doit beaucoup à la mise en scène monumentale du maître... Outre les innovations visuelles qu'on lui connait déjà (et qui trouvent leurs plus grands aboutissements dans le monumental A TOUTE ÉPREUVE), Woo se montre ici tout à fait capable de calmer ses ardeurs pour livrer une oeuvre moins folle, moins inventive, et donc, moins marquante visuellement, mais aussi plus crue, plus dure et surtout plus forte dans son traitement de la violence. Que ce soit dit, UNE BALLE DANS LA TÊTE est l'une des oeuvres les plus violentes qu'il m'ait été donné de voir, non pas parce qu'il est visuellement ultra-violent, mais avant tout parce qu'au travers de sa mise en scène, Woo balance des morceaux de violence morale dans la gueule du spectateur avec une force rare et une absence totale de concession et de limites... La scène du camp de prisonniers en témoigne bien. Véritable écho de THE DEER HUNTER, elle défonce littéralement son modèle au niveau de la violence morale, et torture autant ses personnages que son spectateur... La mise en scène de Woo finit de faire d'UNE BALLE DANS LA TÊTE une oeuvre profondément hystérique, capturant avec pêche et puissance la folie de l'époque qu'il représente et offrant un spectacle formel d'un excellent niveau : la photographie est somptueuse, la reconstitution historique incroyable, et la façon dont Woo oppose la façon presque naturaliste avec laquelle il filme Hong Kong avec le baroque et l'excès du Viet-Nam inspire clairement le respect. Qui plus est, on retrouve une fois de plus la maîtrise incomparable qu'a John Woo de la musique... Omniprésente, celle-ci est utilisée comme dans un opéra pour marquer avec force les émotions, rythmer l'émotion et la graduer. La cohésion entre la bande-son et l'image est ici presque parfaite, d'autant plus qu'elle est composée par le meilleur compositeur hong-kongais : le grand James Wong, dont je ne peux dire que du bien.

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Au-delà de ça, c'est également à la maîtrise visuelle du grand John que revient le mérite du charisme de ses personnages... D'office, dès le premier plan ou les personnages sont comme gravés dans la roche, ceux-ci apparaissent comme des icônes, représentant en une image toutes les valeurs qu'ils incarnent. L'amitié, la loyauté, la famille, la trahison sont autant de valeurs chères à John Woo (et l'obsédant, pour être honnête) qui sont représentées de manière presque explicite par chaque personnage. Mais surtout, chaque personnage fait preuve d'un charisme visuel incroyable, qui est dû autant à la maestria visuelle de John Woo qu'aux acteurs qui animent avec brio les protagonistes du film. S'il semble clair que Tony Leung Chiu-Wai livre, comme à son habitude, une très grande prestation et anime avec grâce le rôle principal, il ne faudrait pas oublier Jackie Cheung et Waise Lee, acteurs la plupart du temps relégués aux seconds couteaux, qui trouvent ici tous deux leurs meilleurs rôles et s'investissent à fond dans des performances irréprochables au potentiel émotionnel viscéral. Mais c'est surtout Simon Yam qui vole la vedette ici, dans le rôle de Lok, tueur à gages profondément héroïque qui n'est pas sans évoquer le protagoniste principal de THE KILLER... Celui-ci vole complètement le show de par la classe, le charisme et la puissance de sa performance, mais en somme, tous brillent ici pour les mêmes raisons, et si UNE BALLE DANS LA TÊTE est un "film d'hommes", il ne faudrait également pas oublier que Fennie Yuen et Yolinda Yam, deux des plus belles actrices hong-kongaises, irradient l'écran de par leur charme et leur beauté. Tous donnent vie avec brio à ce qui est probablement le film le mieux écrit de John Woo : on y retrouve le même souffle épique et la même force viscérale, mais en même temps, les dialogues parfois ratés des précédents opus Wooiens sont ici complètement évités et on se retrouve donc face à un film qui évite donc constamment la naïveté ou la niaiserie pour balancer des grosses baffes dans la gueule du spectateur.

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UNE BALLE DANS LA TÊTE
est un chef d'oeuvre raté, c'est un fait. Impossible de ne pas se dire, à la vision du film, que ça aurait pu être encore mille fois mieux. Mais en l'état, combien de films arrivent-ils à être aussi bouleversants et aussi viscéraux? Car soyons clair, UNE BALLE DANS LA TÊTE est le film de guerre ultime. C'est une oeuvre qui transcende complètement les attentes et assène sans aucune concession, limite ou retenue de gros uppercuts moraux dans la baffe du spectateur, démuni face à tant de chaos, d'hystérie, de folie et de violence si magnifiquement représentés à l'écran par la caméra d'un maître au sommet de son art. John Woo n'a jamais fait mieux, et ne fera jamais mieux. La raison est simple : UNE BALLE DANS LA TÊTE est une oeuvre universelle, qui parlera à tout le monde et qui décrit un chaos social plus actuel que jamais, et qui, par conséquent, s'inscrit et reste inévitablement dans la mémoire de ceux qui ont la chance de l'avoir vu. C'est un chef d'oeuvre raté, oui, mais c'est aussi un chef d'oeuvre tout court, et à défaut d'atteindre le degré de puissance qu'il aurait pu avoir, UNE BALLE DANS LA TÊTE enterre néanmoins la très grande majorité des films. C'est une des oeuvres les plus viscérales et les plus bouleversantes jamais créées, et aussi maudit soit-il, UNE BALLE DANS LA TÊTE reste l'un des meilleurs films tournés à Hong Kong, et à titre personnel, un des meilleurs films au monde.

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