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ZE LORD OF THE RING
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Derniers commentaires
23 novembre 2012

SUSPIRIA

jaq
RÉALISÉ PAR | DARIO ARGENTO.
ÉCRIT PAR | DARIO ARGENTO, DARIA NICOLODI A PARTIR DE L'OEUVRE DE THOMAS DE QUINCEY.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | GOBLIN.

JESSICA HARPER | Suzy Benner.
ALIDA VALLI | Miss Tanner.
STEFANIA CASINI | Sara.

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Inutile de passer par quatre chemins : SUSPIRIA est ce que l'horreur européenne a produit de mieux. Il est pourtant rare qu'un film soit authentiquement parfait, mais avec SUSPIRIA, nous tenons véritablement une petite perfection, un chef d'oeuvre qui n'a d'égal dans le genre que les oeuvres les plus exceptionnelles qui l'ont façonné... SUSPIRIA se range dès les premiers instants dans les meilleurs films d'horreurs jamais faits, ce qui est d'autant plus éloquent lorsqu'on sait que c'est un genre qui a été le terrain de prédilection de nombreux auteurs talentueux l'ayant utilisé pour y poursuivre expérimentations visuelles et narratives et avancées cinématographiques... Parmi ceux-ci, on compte bien évidemment John Carpenter, George A. Romero, Lucio Fulci, mais aussi et surtout Dario Argento, pionnier du cinéma d'horreur italien, qui inventa tout avant tout le monde et façonna presque à lui seul l'horreur telle qu'on la connaît aujourd'hui. Et si la fin de carrière du monsieur est loin d'être aussi magnifique (c'est le cas de le dire), il est bon de se rappeler qu'il maestro a révolutionné au moins par trois fois le cinéma d'horreur contemporain : une fois avec PROFONDO ROSSO, une autre avec INFERNO, et pour finir, et pas des moindres, avec ce qui est à son jour son chef d'oeuvre absolu (et c'est pas prêt de changer) : SUSPIRIA.

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Dès les premières minutes du film, il devient très clair que nous sommes face à une oeuvre qui atteint un niveau de perfection visuelle et auditive que rarement une oeuvre d'art a atteint avant. Ce n'est en rien éxagérer que de dire que SUSPIRIA est certainement l'un des plus beaux films jamais réalisés, tant chaque plan est une preuve supplémentaire du soin visuel incroyable apporté au film dans sa globalité... Impossible de ne pas voir l'influence du baroque et du maniérisme, mais Argento pousse ses influences tellement loin et tellement fort qu'il les détourne pour finalement rendre la grandiloquence et l'exubérance encore plus grandiloquente et exubérante qu'auparavant... Tout respire l'artifice dans ce film, pour notre plus grand plaisir, tant chaque plan, par ses éclairages rouges-bleus-verts complètement surréalistes, ses décors démesurés, colorés et imposants, ou même par le mouvement de caméra délirant qui le constitue, s'avère être un plaisir visuel d'une grande intensité. Vous l'aurez compris, la grande force de SUSPIRIA, c'est avant tout ses visuels, tous plus magnifiques les uns que les autres, tous prouvant encore plus à chaque instant la maîtrise incomparable d'un grand réalisateur au sommet de son art. Celui-ci, d'ailleurs, n'oublie jamais une seconde que des visuels ne suffisent jamais à faire un film, aussi beaux soient-ils, et se rappelle constamment de les utiliser dans un but précis, c'est-à-dire constituer une ambiance superbe, tantôt angoissante, tantôt onirique et poétique mais toujours surréaliste au possible. Dans SUSPIRIA, l'ambiance est étouffante, mais paradoxalement, chaque nouvel effet de lumière, chaque nouveau décor, constitue une bouchée d'air frais. En effet, SUSPIRIA est avant toute chose une oeuvre novatrice, qui réinvente constamment le genre par son visuel et redéfinit les standards qui le constitue toutes les dix secondes. Pour preuve, après 1977, seuls les très grands maîtres, tels que Carpenter (et encore), parviendront à se défaire de l'influence inévitable de la pièce maîtresse d'Argento, qui, avant d'être une expérience sensorielle incroyable, s'avère surtout être une leçon de cinéma d'une importance qui peut constamment être mesurée. Il n'y a qu'a voir les oeuvres, pourtant très récentes, de l'excellent James Wan (en particulier DEAD SILENCE) pour se convaincre que SUSPIRIA est une oeuvre capitale, sans laquelle le cinéma contemporain ne serait sans doute pas le même et dont l'influence peut encore être mesurée aujourd'hui.

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Malgré cette influence, SUSPIRIA, dans son domaine, reste quasiment insurpassée. La raison est simple et explique également pourquoi Argento n'a jamais retrouvé le même niveau de génie par la suite, c'est parce qu'il a versé dans ce film tout son génie et tout son savoir faire. Le résultat est puissant : SUSPIRIA se range tout simplement dans les films à l'atmosphère la plus géniale. Celle-ci remue les sens, et ceci n'englobe pas seulement la vue mais aussi (et plus particulièrement) l'ouïe, mise à l'épreuve maintes fois pendant les 90 minutes de bobine mais se régale également constamment. Au-delà de la sublime bande-son des Goblin, que tout le monde connaît déja probablement par coeur, il y a dans SUSPIRIA un véritable travail sur le son, constamment surprenant mais surtout dérangeant et effrayant, qui s'avère d'autant plus efficace qu'il est perpétuellement en symbiose avec les visuels du film. C'est le principal aspect de SUSPIRIA qui en fait une des oeuvres les plus effrayantes de tous les temps : chaque scène de flippe s'avère en effet d'autant plus tétanisante que l'intelligence des visuels est souvent renforcée par une musique complètement surréaliste aux élans de barbarie et de terreur incroyables... Le tout s'avère une fois de plus d'autant plus efficace qu'il est doublé par la maîtrise du suspense incroyable d'Argento, qui, à ce niveau, s'inspire comme à son habitude du meilleur (à savoir Hitchcock, dont l'influence sur le cinéma d'horreur italien n'est plus à prouver.) pour produire le meilleur... A ce titre, il y a dans SUSPIRIA plusieurs des scènes les plus tendues et les plus tétanisantes qu'il m'ait été donné de voir. Celles-ci le sont encore plus une fois que l'on en arrive à la crystallisation de toutes les peurs accumulées pendant le film : cela donne lieu a l'un des climax les plus intenses et les plus flippants vus dans un film d'horreur, d'autant plus fort qu'il atteint un sommet d'inventivité incroyable et finit de faire définitivement de SUSPIRIA une oeuvre universelle.

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En effet, aussi artificielle soit elle, la mise en scène de SUSPIRIA va bien au-dela de la vacuité et de la prétention que l'on pourrait facilement lui attribuer. Réalisateur maniériste en soi, Argento en fait constamment des tonnes certes mais toujours dans une optique précise, et ici, son traitement grandiloquent de son histoire s'inscrit dans une méthode de traitement très précise de l'histoire. En effet, Argento détourne habilement cette histoire, typique des conte de fées classiques (impossible de ne pas voir en la très mignonne Jessica Harper une représentation moderne de la fée), en l'inscrivant dès le départ dans une esthétique surréaliste et étrange. Ce n'est pas un hasard si cette esthétique ne quitte jamais les murs de l'école de danse ou se passe la majorité du film, mais bien parce que celle-ci est le berceau de toute cette magie propre aux contes de fées... Dès lors qu'on entre dans les murs de cet endroit maudit, SUSPIRIA prend une portée universelle, dans la mesure ou par son traitement surprenant du conte de fée traditionnel, il touchera tout le monde et restera dans la mémoire de tous... Dès lors que les sorcières oublient leurs pommes empoisonnées et décident d'employer des cadavres pour faire leur basse besogne, vous savez que vous êtes en train de regarder un conte de fée d'un genre nouveau. C'est une vision macabre d'oeuvres traditionnelles, qui, si elle laisse de la place à l'innocence et a la beauté (en témoigne son actrice principale), n'a aucune limite morale. Ici, la violence est tout aussi inventive qu'elle est atroce, et les personnages sont constamment sujet à un sadisme effrayant, qui en plus d'être inattendu, n'est pas toujours la ou on le croit et dépasse très largement les scènes de meurtre qui font le coeur de tout film d'horreur...

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La ou SUSPIRIA inspire le respect, c'est également dans sa narration. Celle-ci est exceptionnelle dans la mesure ou l'histoire ne fait qu'un avec le reste du film. Les dialogues sont ici secondaires : c'est par la mise en scène et les visuels qu'Argento raconte son histoire, d'une simplicité exemplaire qui nécessitait un tel traitement pour demeurer intriguante. Il est à ce titre assez surprenant de constater que la narration est aussi maitrisée que la mise en scène, et en laissant cette dernière s'occuper de la majeure partie de l'histoire à elle toute seule, Argento laisse paradoxalement une encore plus grande place à l'intrigue. Cette banale histoire de sorcières préserve alors un sens du mystère exceptionnel et est intriguante du début à la fin... Si ce serait mentir que de dire qu'elle reste toujours imprévisible, tant les visuels sont évocateurs, et ce dès le début, de ce que l'on va voir, l'histoire de ce SUSPIRIA reste prenante et immersive, et demeure suffisamment intriguante pour garder le spectateur sur les nerfs pendant une heure et demi. Le tout est d'autant plus exceptionnel que les réponses souhaitées ne sont jamais réellement apportées, pour notre plus grand plaisir, tant cela laisse de place à l'interprétation et à l'imagination, qui ici joue également un rôle important dans la réception de la peur. En effet, ce qui fait de SUSPIRIA un film si terrifiant, c'est que la peur y est constamment invisible : on ne sait jamais d'ou elle va sortir, ni quand, ni comment, et rien ne peut être prévu. La démarche est d'autant plus prodigieuse qu'elle fonctionne pendant l'intégralité du film et gagne même en intensité au fur et à mesure que celui-ci avance. SUSPIRIA est terrifiant, et cela se voit sur le visage des actrices, qui n'y vont pas de main morte et se donnent corps et âme a leurs performances, et apportent un dernier atout de taille à ce qui est l'un des plus grands films des années 70.

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SUSPIRIA est un film exceptionnel, mais c'est également, et surtout, un film d'une importante majeure qui a réinventé de bout en bout un genre alors à son apogée et qui continue d'influencer de nombreux cinéastes, encore aujourd'hui. En même temps, qu'y a t-il d'étonnant, face à cette démonstration de maîtrise et de beauté visuelle? SUSPIRIA est une oeuvre aussi novatrice et originale qu'elle est magnifique pour la vue et l'ouïe, et en plus, elle se range très facilement parmi les films les plus terrifiants jamais réalisés. Au-delà de l'investissement évident de Dario Argento dans ce film, on sent aussi un véritable génie dans la création d'ambiance et dans la narration. Toutes deux sont exceptionnelles et reposent constamment l'une sur l'autre, menant à une symbiose incroyable entre ce qui est vu et ce qui est raconté, qui se confondent aussi pour renforcer l'immersion auprès du spectateur, le prendre encore plus au dépourvu et lui envoyer un uppercut a travers la tronche d'autant plus fort qu'il est alors bien plus terrifiant et puissant. SUSPIRIA est une oeuvre majeure, autant d'un point de vue historique qu'artistique. C'est un chef d'oeuvre que seuls les très grands maîtres de l'horreur peuvent se vanter d'avoir surpassé, et encore. C'est le chef d'oeuvre de Dario Argento, c'est indiscutable, et si vous êtes encore la à lire cette critique, c'est que vous n'avez rien compris... Si vous n'avez jamais vu SUSPIRIA, vous n'avez rien vu.

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SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

-ZE RING-

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21 novembre 2012

SEX AND FURY

Jaquette
RÉALISÉ PAR | NORIFUMI SUZUKI.
ÉCRIT PAR | NORIFUMI SUZUKI, MASAHIRO KAKEFUDA ET TARÔ BONTEN.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | ICHIRÔ ARAKI.

REIKO IKE | Ocho.
CHRISTINA LINDBERG | Christina.
TADASHI NARUSE | Shunosuke.

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Ca fait six mois que sur ZE LORD OF THE RING, le cinéma hong-kongais a eu une place d'honneur. Aujourd'hui, ce dernier se fait détroner. Il est en effet temps de parler un peu d'autre chose et le cinéma d'exploitation japonais n'étant absolument pas représenté sur ce blog... Pourquoi pas celui-la? Et on commence d'ailleurs en force avec l'un des meilleurs films que le cinéma d'exploitation nippon ait produit : bien meilleur que la saga subversive HANZO THE RAZOR, bien plus beau que la saga culte BABY CART, et sans doute au moins aussi magnifique les deux premiers volets de LA FEMME SCORPION... Je parle bien évidemment du superbe SEX AND FURY, grand film s'il en est, mais qui ne manquera néanmoins pas de diviser. Rien d'étonnant en soi, si l'on part du principe que cette oeuvre du grand Norifumi Suzuki (a ne pas confondre avec Seijun Suzuki, autre réalisateur japonais bien niqué du cerveau) est aussi réussie artistiquement qu'elle est racoleuse. Ainsi, la ou certains y verront un spectacle déviant et pervers pour des spectateurs tout aussi déviants, d'autres y verront, à juste titre en ce qui me concerne, une oeuvre atypique certes mais d'une grande qualité artistique et d'une grande importance. Quelques explications...

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En effet, si le cinéma d'exploitation japonais n'a jamais été connu pour sa subtilité, il l'a cependant toujours été, tout comme les réalisateurs qui le représentent, pour sa capacité et sa propension a faire se cotoyer judicieusement le racolage le plus fou avec l'esthétique la plus magnifique artistiquement. SEX AND FURY ne fait pas exception, et si Suzuki ne rate jamais une occasion de rajouter une scène de cul au milieu de son film, il ne rate jamais l'occasion non plus de filmer celles-ci avec grâce et poésie. Le générique, dans lequel Reiko Ike se tient, un sein dévêtu, un sabre a la main, au milieu d'un décor baroque plein de couleur, est fort représentatif de cette volonté de faire une oeuvre d'exploitation s'assumant entièrement comme telle et surfant totalement sur les tendances de l'époque, tout en imposant des canons esthétiques d'une rare beauté. Ce n'est pas un hasard, d'ailleurs, si les deux actrices principales sont deux des plus belles actrices de leur temps. C'est au contraire un choix qui continue d'inscrire SEX AND FURY dans une logique toute aussi racoleuse qu'elle est esthétique. Pour cette raison, impossible d'être surpris par les propos de ceux qui n'ont pas compris l'intérêt d'une telle oeuvre, mais pour autant, s'arrêter à cela est une vilaine erreur dans le sens ou c'est aussi passer a côté de l'une des plus belles oeuvres jamais réalisées. Suzuki s'y déchaine et se laisse aller à toutes les exubérances : décors baroques, couleurs chaudes a foison, éclairages vifs, bastons sanglantes et ralentis lyriques... Impossible de ne pas voir derrière ce déchainement de beauté visuelle l'influence évidente du giallo italien, que ce soit au travers des éclairages dignes d'un Dario Argento ou de l'érotisme constamment présent évoquant inévitablement des oeuvres telles que LIZARD IN A WOMAN'S SKIN. Suzuki pousse ses influences a bout, en particulier de l'érotisme, qu'il filme avec une grâce inégalée mais qu'il intègre également a la narration avec brio. Dans SEX AND FURY, comme l'indique le titre, le sexe procure autant de plaisir que de douleur, arme grâce à laquelle les femmes peuvent imposer leur puissance sur les hommes, dont le contrôle sur ces dernières est limité dès lors qu'il concerne la sexualité. Les personnages d'Ocho et de Christina sont tous deux très représentatifs du propos du film, l'une utilisant a son avantage cette dernière pour se venger des meurtriers de son père et l'autre se montrant complètement insensible aux punitions sexuelles que lui infligent la société machiste dans laquelle elle vit. Impossible de ne pas voir dans SEX AND FURY un propos profondément féministe, qui n'est d'ailleurs pas sans évoquer les deux chefs d'oeuvres de Shunya Ito (LA FEMME SCORPION & ELLE S'APPELAIT SCORPION).

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Dans un film ou le corps et la chair sont autant des dispositifs de plaisir qu'ils peuvent être des armes (une fois de plus, le générique préfigure également cet aspect du film), il n'y a rien d'étonnant a les voir si ouvertement filmés, sans aucun complexe ou timidité, d'autant plus que le genre lui-même l'exige. Néanmoins, si l'on pourrait voir un défaut au film dans ces scènes érotiques fréquentes et parfois a la limite un vulgos, c'est en réalité la grande force de SEX AND FURY, puisque Norifumi Suzuki les magnifie au travers d'un traitement tantôt poétique du sexe, tantôt très brutal. La mise en scène virtuose de ce dernier met clairement en valeur chaque aspect du sexe mis en évidence par le film. Ainsi, même les scènes de viol les plus terribles sont montées autour d'une musique agréable et poétique. Voir derrière une scène de ce type de la perversion et de la bétise serait facile, mais en réalité, ce traitement du sexe témoigne au contraire d'une volonté de revaloriser la femme dans une société profondément machiste. Celles-ci ont un pouvoir incommensurable sur les hommes et les tiennent par les couilles dès lors que le sexe est impliqué, mais impossible de ne pas y voir aussi une volonté de revaloriser le sexe lui-même. N'oublions pas que nous sommes au Japon en 1973, et qu'a l'époque, le sexe est la-bas le tabou ultime et est sujet à des règles (implicites) rigoureuses, ainsi impossible de ne pas voir derrière SEX AND FURY (et tout un pan du cinéma japonais) une volonté d'assouplir ces mêmes règles (tout en racolant un maximum, oui le cinoche d'exploitation nippon est fait de paradoxes), même si en même temps il est difficile de ne pas y voir aussi l'oeuvre de toute une bande de frustrés (mais ce n'est rien a côté de la cultissime saga HANZO THE RAZOR). Cette volonté de réformer la société japonaise en revalorisant la place de la femme et du sexe se manifeste également par la place de celui-ci dans la narration, qui avance quasiment exclusivement jusqu'a son standoff final sanglant grâce à celui-ci. En faisant de celui-ci une part intégrante de la narration, la volonté de l'équipe responsable de SEX AND FURY est très clairement posée... Mais soyons honnêtes, ce n'est pas pour l'intelligence et l'audace de son propos que l'on regarde un film SEX AND FURY mais davantage pour voir des gens se bastonner, des femmes nues et une histoire viscérale se dérouler... D'une certaine façon, ceux qui considèrent les amateurs de cinéma d'exploitation n'ont pas tort : nous sommes des geeks un peu pervers peut-être mais en ce qui me concerne je jetterais 20 ANTICHRIST pour un SEX AND FURY. Les deux films sont similaires : ce sont des monuments de racolage et de provocation, la différence c'est que l'un se cache derrière des pseudo-réflexions intellectuelles la ou l'autre assume entièrement son statut de film d'exploitation vulgaire pour livrer un propos pas si con que ça déja, mais aussi pour faire preuve de talent et de générosité.

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En effet, a partir du moment ou vous mettez SEX AND FURY dans votre lecteur DVD, préparez-vous à une heure et demi des plus généreuses. Les bastons barbares s'enchainent a un rythme infernal qui n'a d'égal que celui auquel s'enchainent les scènes érotiques stylisées, le tout avec un enthousiasme évident de la part de son réalisateur. Le film est un monument de fun, qui, malgré sa noirceur, divertit de bout en bout, notamment grâce à son rythme non-stop et frénétique. Les choses s'enchainent avec une vitesse incroyable mais toujours avec soin. Suzuki privilégie en effet la précision a la précipitation et transcende chacune de ses scènes grâce à sa mise en scène, tout bonnement incroyable. On compte d'ailleurs dans SEX AND FURY une des plus belles scènes de bastons au sabre jamais réalisées, d'un lyrisme incroyable, qui en plus d'être esthétiquement incroyable préfigure le cultissime LADY SNOWBLOOD avec quelques mois d'avance et le très référentiel KILL BILL avec 30 ans d'avance... Un prodige? Carrément oui, mais cela ne fait qu'illustrer le talent visionnaire d'un réalisateur de grand talent, qui s'il n'a pas eu la carrière qu'il méritait, est quand même le responsable de nombreux classiques (LE COUVENT DE LA BÊTE SACRÉE, SHAOLIN KARATÉ... Que je n'ai a mon regret pas vus.). Son talent visuel explose littéralement ici. De la gestion de l'espace à la façon dont la chair et le sang y sont mélangés pour mieux être stylisés et magnifiées, le film de Norifumi Suzuki s'impose très vite comme une oeuvre non seulement exemplaire mais aussi exceptionnelle dans la mesure ou, par son audace et son originalité, elle constitue une avancée artistique considérable, et si beaucoup de culs serrés prétendant représenter l'intelligencia crachent a la gueule de tels films, finalement, qu'est-ce qu'on a a foutre? Les faits sont les mêmes et qu'ils crachent dessus ou non, SEX AND FURY reste aussi magnifique qu'il l'a toujours été, par ailleurs soutenu par un casting excellent. Reiko Ike et Christina Lindberg y sont magnifiques (dans tous les sens du terme) et donnent vie avec brio a leurs personnages, magnifiquement écrits et constamment magnifiés par la caméra de Suzuki, elle-même soutenue habilement par une bande originale orchestrée d'une main de maître par Ichirô Araki (qui avait déja travaillé avec Norifumi Suzuki sur CARESSES SOUS UN KIMONO.).

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SEX AND FURY est un chef d'oeuvre, tout simplement. On fait difficilement plus racoleur, certes, mais en soi, peu importe, on fait difficilement plus beau aussi et c'est ce que les détracteurs de tout le pan du cinéma qu'il représente semblent volontairement oublier. Pourtant, à bien des égards, SEX AND FURY est une oeuvre majeure, au propos féministe fort et a l'audace incroyable. Subversif, SEX AND FURY peut prétendre l'être et ce sur bien des points, notamment dans la mesure ou son propos va complètement à l'encontre de tout un aspect de la société japonaise, à savoir le sexe et les tabous rigides qui l'entourent. Pour autant, ce qui nous marquera le plus dans ce grand film de Suzuki, c'est sa beauté visuelle et la grâce de la mise en scène, qui renvoie autant au cinoche d'exploitation italien qu'elle préfigure de nombreux films contemporains. Suzuki magnifie chaque plan, fait preuve d'une maîtrise technique irréprochable et poétise constamment la violence et le sexe avec un talent quasiment jamais égalé dans le genre. Rajoutez à cela deux actrices principales de toute beauté, des personnages haut en couleur et un protagoniste féminin badass a souhait, et vous tenez un chef d'oeuvre, tout simplement. Un classique a voir absolument!

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SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

  • LA FEMME SCORPION de Shunya Ito.
  • ELLE S'APPELAIT SCORPION de Shunya Ito.
  • LADY SNOWBLOOD de Toshiya Fujita.
  • LADY SNOWBLOOD 2 : LOVE SONG OF VENGEANCE de Toshiya Fujita.
  • HANZO THE RAZOR : SWORD OF JUSTICE de Kenji Misumi.
  • HANZO THE RAZOR II : L'ENFER DES SUPPLICES de Yasuzo Masumura.
  • HANZO THE RAZOR III : LA CHAIR ET L'OR de Yoshio Inoue.

-ZE RING-

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17 novembre 2012

SHANGHAI BLUES

Jaquette
RÉALISÉ PAR
|
TSUI HARK
.
ÉCRIT PAR | CHEUK-HON SZETO ET RAYMOND TO.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR | JAMES WONG.

SYLVIA CHANG | Shu Pei-Lin.
KENNY BEE | Dorémi.
SALLY YEH | Escabeau.

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En 1984, Tsui Hark est au plus bas. Son dernier film, ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE, s'est méchamment planté et, pour se maintenir à flot, Hark a été forcé de tourner deux films de commandes sur lesquels il a detesté travailler. Notre génie barbichu favori pense alors arrêter le cinéma pour se consacrer a un autre domaine ou il pourrait donner libre cours a sa créativité... Mais la déprime ne dure pas longtemps avec Hark, et plutôt que de lâcher les bras et abandonner la réalisation, son prochain film va en réalité marquer le début de la résurrection d'un cinéma mort depuis déja quelques temps. SHANGHAI BLUES est en effet le premier film de la Film Workshop, qui, quelques années plus tard, sera le plus gros studio hong-kongais de l'époque, auquel on doit quasiment tous les grands films de la grande époque hong-kongaise (LE SYNDICAT DU CRIME, PEKING OPERA BLUES, THE KILLER...). Alors que Tsui Hark croit toucher a la fin de sa carrière de réalisateur, il est en réalité en train de faire entrer le cinéma hong-kongais dans la légende et dans son âge le plus important. C'est la fin de la nouvelle vague, mais c'est le début de quelque chose de bien mieux, et quoi de plus approprié pour ce début qu'un des plus grands films réalisés à Hong Kong? Vous avez bien lu. De toutes les perles et chefs d'oeuvres qui sont sortis de Hong Kong, SHANGHAI BLUES se range facilement dans le haut du panier. Quelques explications...

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Première comédie de Tsui Hark, SHANGHAI BLUES, en plus de marquer le commencement d'une grande époque, marque également le commencement d'une nouvelle période dans la carrière de son réalisateur. Aux oeuvres violentes, subversives, hardcore et sans concession que sont L'ENFER DES ARMES et HISTOIRES DE CANNIBALES succèdent SHANGHAI BLUES et par la suite PEKING OPERA BLUES, les deux premières comédies du maître. Pourtant, malgré les apparences et ce qu'on pourrait penser, SHANGHAI BLUES part du même principe que les oeuvres précédentes du bonhomme : mêler chronique sociale et pur divertissement, qui se complémentent, sans jamais que l'un ne fasse de l'ombre à l'autre. Ainsi, derrière ses apparences de comédie romantique burlesque, SHANGHAI BLUES cache un propos on ne peut plus sérieux sur une multitude de sujets tous plus intéréssants les uns que les autres... Pour la première fois, on retrouve ici une thématique qui va devenir par la suite plus ou moins récurrente chez le monsieur : l'amour, tout simplement. Hark traite son sujet avec une sincérité incroyable, mais surtout avec une grande intelligence, celui-ci n'hésitant jamais à explorer la thèse opposée à la sienne pour imposer la véracité de son propos. A la vision de SHANGHAI BLUES et des autres comédies romantiques du maître, il est évident qu'Hark voit l'amour comme une force indestructible, qui ne peut pas être entravé, ni par la société (THE LOVERS), même pas par la mort (DANS LA NUIT DES TEMPS) et encore moins par la guerre, comme c'est le cas ici... Ainsi si les deux amants sont séparés le jour même de leur rencontre par la guerre avec le Japon, ce n'est que pour mieux les réunir des années après. Certains qualifieront cette thèse de naïve, mais l'est-elle vraiment? Dans SHANGHAI BLUES, c'est l'amour qui fait avancer les personnages et qui les empêche de se laisser se faire écraser par la misère de leur époque. Ce n'est pas un hasard si Hark choisit de situer sa romance dans l'entre deux-guerres (On parle ici de la guerre sino-japonaise de 1937 et de la guerre civile chinoise de 1947) mais plutôt un choix logique si l'on considère les intentions d'Hark... On peut aller encore plus loin dans cette logique si l'on part du principe que SHANGHAI BLUES est avant tout un film sur un bouleversement historique, la force que Tsui Hark veut donner à l'amour se voit alors amplifiée et le propos s'en retrouve d'autant plus fort. Mais la force du film ne s'arrête pas la, et en bon auteur engagé, Hark voit toujours plus loin que les apparences et signe une chronique sociale traitant autant de l'amour que du choc des traditions avec la modernité. Impossible en effet de ne pas voir dans le personnage excentrique complètement folle qu'interprète Sally Yeh une incarnation des valeurs traditionnelles chinoises. Outre sa folie comique, Escabeau n'est ni plus ni moins qu'une représentation ambulante d'une société perdue face a un monde qui avance trop vite et trop fort. Les valeurs traditionnelles ne sont rien face au progrès et comme d'habitude chez Hark (sa saga IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE tourne autour de cette thématique), le choc social est difficile.

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Mais la différence majeure entre SHANGHAI BLUES et les oeuvres précédentes d'Hark se trouve ici : si dans les anciens films du bonhomme, la crise sociale était aussi difficile pour les personnages que pour les spectateurs, ici, elle est seulement dure pour les personnages. Hark dédramatise en effet toutes les situations vécues par ses protagonistes. Même les évènements les plus dramatiques ne sont qu'un prétexte supplémentaire à un gag burlesque complètement débile... On pourrait craindre que ce comique omniprésent prenne le pas sur le sérieux du propos, mais en réalité, la est la grande force de SHANGHAI BLUES : Hark fait preuve d'un talent incroyable pour mêler les deux sans qu'ils se contredisent ou s'entravent mutuellement. De par son absence totale de cynisme, SHANGHAI BLUES est une oeuvre aussi profonde thématiquement qu'elle est drôle... En effet, les gags s'enchainent a un rythme infernal, avec une créativité toujours incroyable et un enthousiasme palpable. Bien sur, le côté excessivement burlesque de la chose pourra rebuter certains, mais en même temps, il n'y a rien de nouveau. Ils ne seront pas les premiers (ni les derniers) a être rebutés par la débilité pipi-caca de l'humour hong-kongais, et qui peut leur reprocher? Pour autant, ne voir que ça serait une erreur. Cette forme d'humour est nécessaire à la démarche du film et même s'il rebute, impossible de ne pas être au moins egayé par l'équipe du film qui s'éclate sans doute tout autant que le spectateur dans des gags tous aussi portnawakesques les uns que les autres, ou les quiproquos divers se mêlent perpétuellement à tous les registres de comique, eux-mêmes renforcés par des acteurs qui en font tous plus des tonnes que les autres et récitent leurs répliques comme si leur vie en dépendait. Vous l'aurez compris : SHANGHAI BLUES, c'est généreux, et ça s'arrête jamais, mais une fois de plus les apparences sont trompeuses et derrière ce monument de portnawak non-stop, on trouve en réalité un scénario magnifique écrit par deux des scénaristes les plus ingénieux de l'âge d'or hong-kongais, Raymond To (PEKING OPERA BLUES) et Cheuk-Hon Szeto (L'ENFER DES ARMES). Chaque gag, du plus soft au plus improbable, servent la progression d'un scénario en béton, au rythme constant, qui s'il se base énormément sur le comique, laisse également une grande place à d'autres formes d'émotion.

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La grosse surprise de ce SHANGHAI BLUES se trouve ici : la façon dont Hark voyage littéralement d'une gamme d'émotions a une autre et comment il change de tonalité en un plan (je n'exagère rien, il le fait vraiment en un plan a un moment donné.)... Une fois de plus, préparez vos mouchoirs, car aussi drôle soit-il, SHANGHAI BLUES est aussi une oeuvre extrêmement émouvante, d'une rare poésie, ou l'image et le son se mélangent pour donner une symbiose émotionnelle renversante. Première oeuvre véritablement bouleversante du maître, il est également prodigieux d'y remarquer que toutes ses scènes comiques amènent volontairement, inévitablement, et toujours avec fun, un dénouement aussi bouleversant qu'il est enthousiaste et noir... Hark maîtrise de toute évidence l'art de mêler les paradoxes sans les faire entrer en conflit, mais c'est surtout son talent pour faire chialer le spectateur que l'on retiendra. Ainsi, si l'histoire est perpétuellement dédramatisée, Hark n'en oublie néanmoins pas la gravité, ce qui lui permet donc de passer d'un registre à l'autre sans trop de difficultés... Sa maîtrise des personnages est également d'une grande aide dans cette démarche, les portraits qui sont dressés de ceux-ci sont aussi complets qu'ils sont précis. Ainsi, chaque personnage est touchant a un moment donné. Même les personnages les plus secondaires (comme c'est par exemple le cas du propriétaire du cabaret) s'avèrent être émouvants. Hark ne passe jamais de jugement sur ses personnages (même les plus gros enculés) et les maîtrise, comme à son habitude, de bout en bout... Ainsi, il peut se permettre facilement de passer d'une situation à une autre. Le comique laisse souvent place à des situations plus dramatiques, ou, a défaut de celles-ci, a des scènes monumentalement poétiques... A ce titre, SHANGHAI BLUES compte une des plus belles scènes musicales jamais réalisées, un sommet poétique et musical dans lequel tout le talent du légendaire James Wong explose littéralement! Par ailleurs, SHANGHAI BLUES est également une date majeure dans la filmographie de Hark dans la mesure ou c'est sa première collaboration avec son compositeur fétiche, James Wong, justement. Double musical du maître, celui-ci complète les visuels à tomber par terre du film et capture tous les aspects du film avec sa bande-son, sublime et travaillée, qui se range d'office parmi les meilleures compositions entendues à Hong Kong.

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Du point de vue technique, SHANGHAI BLUES est magnifique, tout simplement. Tsui Hark fait preuve d'une créativité visuelle comme toujours impressionnante. Il joue ici surtout sur la couleur et les éclairages, certains qui ne sont pas sans rappeler AUTANT EN EMPORTE LE VENT d'ailleurs (qu'Hark a souvent cité comme influence), mais aussi sur sa reconstitution historique impressionnante de la Shanghai des années 40. Les décors crient le réalisme, et l'ambiance urbaine est filmée avec une énergie et un panache qui inspirent le respect. La maîtrise de l'espace du bonhomme est également impressionnante, celui-ci parvenant à faire oublier dans des espaces a l'organisation complexe parfois jusqu'a 6 personnages dans des gags pleins de vivacité. Qui plus est, celui-ci capture et magnifie la prestation de chacun de ses acteurs. Tous se donnent clairement a fond, par conséquent, leurs prestations sont hilarantes, et Hark n'en rate pas une miette... Chaque expression, chaque grimace, est capturée puis magnifiée par la caméra de Hark. Chaque acteur du film, d'ailleurs, fait preuve d'un grand talent, passant sans difficulté d'un registre à un autre et surtout créant avec enthousiasme l'hilarité chez le spectateur... Impossible de ne pas exploser face aux grimaces de Sally Yeh, ou a la gestuelle excessive de Kenny Bee. Mais surtout, ils animent avec brio leurs personnages respectifs, et de ce point de vue, impossible de ne pas rester ébahi devant la performance de Sylvia Chang, qui interprète Shu Pei-Lin avec autant de naturel qu'elle n'emploie de registres.

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Malgré tout ça, SHANGHAI BLUES fut néanmoins un flop de plus pour Tsui Hark... Ce qui fut loin de le décourager. Deux ans plus tard, il retournait le cinéma hong-kongais sur la gueule en réalisant PEKING OPERA BLUES et en produisant LE SYNDICAT DU CRIME, par la même, offrant la plus belle période de sa carrière a John Woo, le réalisateur le plus reconnu de ces contrées. Tout cela n'aurait pas été possible sans SHANGHAI BLUES, premier film de la Film Workshop mais surtout premier chef d'oeuvre de l'âge d'or hong-kongais, première comédie romantique d'un auteur engagé qui en a fait un de ses genres de prédilection, première collaboration entre deux artistes de grand talent (Tsui Hark et James Wong) et une baffe supplémentaire a travers la tronche. SHANGHAI BLUES est un grand film, aussi drôle qu'il est bouleversant, aussi profond qu'il est divertissant, réalisé et écrit d'une main de maître avec une rare générosité. Un chef d'oeuvre fondateur a voir et a revoir...

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-ZE RING-

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